Yin et Yang dans la vie journalière des Vietnamiens (2ème partie)

Version vietnamienne

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Yin et Yang dans la vie journalière des Vietnamiens: 

En parlant du couple symbolique cercle/ carré, on veut évoquer la perfection et  l’union heureuse. À partir d’un carré ayant 4 côtés, on peut avoir un octogone en multipliant le nombre de côtés  par 2. Puis en multipliant toujours par 2 le nombre de ces côtés on obtient à la fin un cercle n’ayant plus de côtés. C’est la forme parfaite (perfectissima forma) témoignant de la perfection absolue.

C’est pour cette raison qu’on est habitué à dire en vietnamien « Mẹ tròn, con vuông » pour souhaiter à la mère et à son enfant une bonne santé au moment de la naissance. Cette expression a été léguée par nos ancêtres dans le but de retenir notre attention sur le caractère créateur de l’univers. La rondeur et le carré sont les deux formes que prennent non seulement les gâteaux de riz gluant (Bánh Chưng, Bánh Tết) ou les gâteaux des mariés (Bánh Su Sê ou Phu Thê) mais aussi les anciennes pièces de monnaie vietnamienne (ou sapèques).

Sapèque
La forme de ces sapèques est liée à la cosmologie traditionnelle vietnamienne: la rotondité de ces pièces évoque celle du ciel et le trou central est carré comme la terre. Pour la superficie de ces sapèques, il y a toujours un pourcentage à respecter : 70% pour la partie ronde et 30% pour la partie carrée. On trouve aussi ces deux formes avec la canne en bambou tenue par le fils aîné  en marchant derrière le cercueil lors  du cortège funéraire de son père. Lorsque  la personne décédée est sa mère, il est obligé de marcher à reculons en regardant droit devant  le cercueil. C’est le protocole « Cha đưa mẹ đón » (Accompagner le père, recevoir la mère) à respecter dans les rites funéraires vietnamiens. Le bambou de la canne représente la droiture et l’endurance du père. Il est remplacé par une autre plante connue sous le nom « cây vong » et symbolisant la simplicité, la douceur et la souplesse lorsque la personne décédée est la mère. La canne doit avoir la tête ronde et le pied carré pour symboliser le Ciel et la Terre tandis que la partie médiane de la tige est réservée pour les enfants et les descendants. Cela veut dire que tout le monde a besoin de la protection du Ciel et de la Terre,  l’éducation des parents et l’aide mutuelle entre frères et sœurs dans la société.  Pour marquer son respect, le nombre de fois que l’invité est obligé d’accomplir en se prosternant devant le cercueil doit être un nombre Yin càd un nombre pair (càd 2 ou 4) car la personne décédée va rejoindre le monde des ténèbres de caractère Yin (Âm phủ en vietnamien). Autrefois, on avait l’habitude de mettre dans la bouche de la personne décédée une parcelle d’or pur lui insuffler le mana que contient le métal précieux. L’or représentant le principe yang est capable d’assurer la conservation du corps et d’empêcher la putréfaction. Selon le chercheur vietnamien Trần Ngọc Thêm, tout ce qui touche de près ou de loin avec la mort il faut employer des chiffres pairs (Yin=tranquillité= mort).

Au moment de l’agonie de la personne décédée, ses proches doivent lui filer un surnom (ou en vietnamien tên thụy) que lui et ses proches sont les seuls à connaître avec l’accord du génie du foyer car le jour de l’anniversaire de sa mort, ce surnom sera cité dans le but de l’inviter à participer aux offrandes et d’éviter de réveiller les autres âmes errantes. C’est pourquoi on est habitué à dire en vietnamien tên cúng cơm pour rappeler que chacun possède un surnom. De même, un bouquet de fleurs offert aux funérailles doit être constitué d’un nombre pair (ou yin) de fleurs. 

Autel des ancêtres

Il y a une exception à cette règle lorsqu’il s’agit de Bouddha ou des parents décédés. Devant l’autel de ces derniers, on a l’habitude de mettre 3 baguettes d’encens dans le vase ou on se prosterne complètement à  genoux, la tête à toucher terre avec un nombre impair (Yang) (con số dương)  de fois car on les considère toujours comme des êtres vivants. De même, pour marquer le respect vis-à-vis des gens âgés vivants, on accomplit seulement une ou trois fois dans la prosternation. Par contre, dans les rites de mariage, la future doit se prosterner devant ses parents pour les remercier de la naissance  et de l’éducation qu’ils lui ont donnée avant de rejoindre la famille de son époux. C’est le nombre pair (2 ou 4)(ou Yin)(con số âm) de fois qu’elle devra accomplir  car elle est considérée comme « morte » du fait qu’elle n’appartient plus à sa famille d’origine. Il y a une coutume pour la cérémonie de la première nuit de noce. On demande à une femme assez âgée, ayant beaucoup d’enfants et censée d’être bonne et honnête de prendre en charge l’étalement et la superposition d’une paire de nattes sur le lit nuptial: l’une ouverte et l’autre mise à l’envers à l’image de l’union du Yin et du Yang

Autrefois, les jeunes mariés avaient l’habitude d’échanger mutuellement une pincée de terre contre une pincée de sel. Ils voulaient honorer et pérenniser leur union et leur fidélité en prenant le Ciel et la Terre comme témoins de leur engagement. On trouve aussi la même signification dans l’expression suivante: Gừng cay muối mặn pour rappeler aux jeunes mariés qu’il ne faut jamais se quitter car la vie est amère et profonde avec des hauts et des bas comme le  gingembre piquant et le   sel  gardent leur goût au fil des années.

L’expression vuông tròn a été utilisée fréquemment dans un grand nombre de dictons populaires vietnamiens :

Lạy trời cho đặng vuông tròn
Trăm năm cho trọn lòng son với chàng!

Je prie Dieu pour que tout se passe bien et pour que je puisse garder éternellement mon cœur fidèle avec vous.

Ou bien

Đấy mà xử ngãi (nghĩa) vuông tròn
Ngàn năm ly biệt vẫn còn đợi trông

Voici : c’est la signification de l’amour conjugal
Je continue à attendre votre retour avec patience malgré notre séparation éternelle.

ou bien dans les strophes suivants 411-412 et 1331-1332 du best-seller Kim Vân Kiều

Nghĩ mình phận mỏng cánh chuồn
Khuôn xanh biết có vuông tròn mà haỵ

Mon sort est fragile comme l’aile d’une libellule.
Le Ciel sait-il que cette union est durable ou non?

ou
Trăm năm tính cuộc vuông tròn,
Phải dò cho đến ngọn nguồn lạch sông

Au cours de votre vie (cent ans), quand vous vous préoccupez de votre mariage, vous devez remonter le fleuve jusqu’à la source. (On doit  se renseigner sur la famille  de l’épouse jusqu’au moindre détail)

Cette  bipolarité Yin et Yang s’exprime sous diverses formes au Vietnam. En Chine, s’il y a un seul génie du mariage, on retrouve au Vietnam un couple de génies homme et femme (Ông Tơ Bà Nguyêt). De même, dans les pagodes vietnamiennes, on a sur l’autel un couple de bouddhas homme et femme (Phât ông Phât Bà) à la place d’un seul bouddha. Les Vietnamiens croient fermement que chacun d’eux est lié à un certain nombre de chiffres. Avant la naissance, l’embryon a besoin d’attendre 9 mois et 10 jours. Pour dire que quelqu’un a un heureux destin, on dit qu’il a un « sort heureux « (số đỏ). Par contre, le « sort néfaste (số đen) » est réservé pour les gens ayant un mauvais destin.

[Lire les nombres Yin et Yang)]

 

Vương Hồng Sển (1902-1996)

 

Vương Hồng Sển (1902-1996)

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Vietnamese version

Né à Sóc Trăng dans le Sud Vietnam, Vương Hồng Sển était connu non seulement comme un collectionneur d’antiquités mais aussi un homme de grande culture. Dans ses écrits, il parlait de ce qu’il a connu ou il a vécu avec un style à la fois comique et déroutant. Pourtant ceux-ci constituent aujourd’hui un fond documentaire d’une valeur inestimable pour ceux qui aimeraient connaître la culture vietnamienne. Durant sa vie, il a eu l’occasion de collectionner plus de 800 objets en céramique parmi lesquels se trouvaient en grand nombre ceux à décor en deux couleurs (bleu et blanc) et datant de 18 ou 19 ème siècle. Avant sa mort, il a offert sa collection d’objets et tous ses écrits à l’Etat dans le seul but de pouvoir les préserver intégralement et d’apporter sa contribution à la recherche et à la sauvegarde du patrimoine culturel national.

Musée national d’histoire (Saïgon)

Galerie des photos

Version anglaise

Being born at Sóc Trăng in South Vietnam, Vương Hồng  Sển was known not only as a art collector but also a man of great culture. In his writings, he talked about  what he has known or he has lived with comic and disconcerting style. However these  writings  are today documentary resources of inestimable value for those who would like to be interested in Vietnamese culture. During his life, he had the opportunity to collect more than 800 pieces of art including a wide number of ceramic objects decorated with blue and white colours in  18th or 19th  century. Before his death,  he has offered his fine collection of objects and books to  State with the aim of  giving his contribution to the preservation of the national cultural heritage.

Version vietnamienne

Sưu tập Vương Hồng Sển

Sinh ở Sóc Trăng thuộc về miền nam Vietnam, Vương Hồng Sển là một nhà nghiên cứu văn hoá và sưu tập cổ vật nổi tiếng ở miền Nam. Trong các tác phẩm của ông, ông thường nói những gì ông hiểu biết và  tai nghe mắt thấy  với một lối viết văn rất khôi hài và nửa đùa nửa thật khiến người đọc khó quên và dễ say mê.  Tuy nhiên những tác phẩm nầy nó mang một giá trị vô giá cho những ai muốn biết và tìm hiểu thêm về văn hóa Việt Nam.  Trong suốt cuộc đời, ông đã say mê và thu thập được hơn 800 cổ vật mà trong đó gồm phần đông là các đồ gốm men xanh trắng từ thế kỷ  18 hay 19.  Đến cuối đời, ông cống hiến cho nhà nước toàn bộ cổ vật và sách viết với  chủ đích để tránh sự thất lạc và bảo tồn văn hóa quốc gia.

Céramique (Gốm Viet Nam)

 

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Version française

English version

Bất chấp sự thống trị lâu dài một ngàn năm của Trung Hoa ở  Vietnam, người ta rất ngạc nhiên khi nhận thấy quốc gia nầy  thành công  thể hiện xuất sắc được sự khác biệt  từ thế kỷ 14 trở đi trong lĩnh vực đồ  gốm. Do đó, Viet Nam trở thành một diễn viên  thiết yếu cho sự  phát triển thương mại mạnh mẽ ở Đông Nam Á trong lãnh vực đồ gốm với các thuyền bè và chiếc la bàn mà Viet nam đựợc biết đến từ thế kỷ thứ 11. Các cuộc khai quật dưới lòng biển của những con tàu có giá trị đến lịch sử gốm sứ Việt Nam trong những năm 1997-1999 ở Biển Đông, đặc biệt là ở đảo Cù Lao chàm (Poulo Cham) và đảo Hòn Dầm gần đảo Phú Quốc (Kiên Giang) khẳng định  lại vai trò chủ yếu mà Việt Nam đã đóng trong việc buôn bán đồ gốm lúc bấy giờ với vô số hiện vật vô giá trong đó  có một  chiếc bình sứ màu xanh và trắng có họa tiết thiên nga được công nhận từ đây là bảo vật quốc gia. 

Trong quyển  sách Suma Oriental (1515), sứ giã Bồ Đào Nha, Tomé Pirès  có tóm tắt lại tất cả các cuộc  trao đổi này và ghi nhận luôn việc sản xuất  đồ gốm mà Việt Nam dành riêng để bán cho Trung Hoa. Thậm chí vào thời điểm này còn có các đồ gốm hoa lam của Vietnam được nhái  trong  các lò nung Swatow  ở Trung Hoa. Theo nhà khảo cúu Pháp Philippe Colomban (CNRS) thì tính đặc thù của  đồ gốm Vietnam bắt đầu thể hiện cùng sự thành hình của một quốc gia độc lập. Các đồ gốm dưới hai triều Lý và Trần đều là đơn sắc. Ba loại men được trông thấy: men ngà, men nâu và men bắt chước ngọc từ màu xanh đến màu vàng. Từ khi Trung Quốc bị  xâm lược bởi  người Mông Cổ, đồ gốm Việt Nam được triều đình của hoàng đế nhà Nguyên Hốt Tất Liệt (Kubilai Khan) ưa chuộng vì thế trong các vật dụng mà Việt Nam phải cống nạp thì thấy ngoài những chiếc sừng của con tê giác và ngọc trai, còn có các chén sứ màu trắng.

Sự thành công  nầy phần lớn nhờ vào màu xanh của cobalt đã mang lại cho  nghệ thuật gốm Việt Nam một tinh thần  được tồn tại hai thế kỷ và dẩn đến sự chinh phục  được  các  người nước ngoài  ở  những vùng xa xôi  tại Á Châu. Đây là trường hợp của một bình lớn được tìm thấy ở cung điện Topkapi  (Istanbul) mang một dòng chữ bằng chữ Trung Hoa, màu xanh lam có thể đọc được bằng tiếng Việt: được vẽ với niềm vui của nghệ nhân Pei theo sau là chữ Thị (hiển nhiên một người đàn bà) ở huyện Nam Sách trong năm thứ 8 của Thái Hoà (1143-1459)  hoặc một đĩa hoa lam trang trí với các hoa được lưu giữ ở bảo tàng Ardabil (Tehéran).

Nếu màu xanh coban đã được biết đến ở Viet Nam trong một thời gian dài ngay cả trước cuộc xâm lăng của quân Minh bạo tàn thì việc sử dụng nó được áp đặt  chỉ vào những năm 1430-1450. Chính từ thời điểm này,  các đồ gốm đơn sắc được thay thế  bởi các đồ gốm hoa lam. Chính nhờ sự  thông thạo  hoàn hảo các kỹ thuật chế tạo, trang trí và  cách nung gốm mà nghệ nhân Vietnam Nam có thể trau dồi trí tưởng tượng của mình. Mặc dù  có những hạn chế  trong cách vẽ tô màu  nhất là không thể sửa chữa lại được, chúng ta nhận thấy sự xuất hiện trên  sành không chỉ  những hình vẽ phức tạp hơn mà còn có nhiều sắc tố  với các hình dạng và hoa tiết  nguyên bản khiến  biến nghệ nhân trở thành một nghệ sĩ xuất sắc. Nếu có  mượn một số lượng lớn các hình vẽ  trang trí từ Trung Quốc (hoa mẫu đơn, hoa sen, hoa, tán lá vân vân..), thì nghệ nhân Vietnam có ý tưởng tạo ra một phong cách  độc lập ít  có theo nghi thức và rạo rực hơn so với nghệ nhân Trung Hoa  qua sự sống động của nét vẽ và sự tự nhiên.  

Còn biết làm thế nào để thích ứng những yếu tố trang trí này theo phong cách Vietnam: cá vàng Trung Hoa  trở thành cá bống, một loài cá nước ngọt ở Vietnam. Chúng ta  cũng lưu ý rằng  các đồ gốm Viet Nam không bị ảnh hưởng phương Tây. Có sự liên tục trang trí đồng tâm trên các  đĩa Viet Nam. Đây không còn là trường hợp của Trung Quốc nữa từ khi quốc gia  này đã  khám phá  ra được phối cảnh từ triều đại Gia Kinh nhà Minh (1522-1566). Mặt khác,  các họa tiết ở trung tâm của các đĩa  thấy được rõ  ràng, có chất lượng vượt trội so với các họa tiết bổ sung, điều này chứng tỏ có sự tham gia  của nhiều  người thủ công trong  việc thực hiện.

Version française

Il est étonnant de constater que, malgré la longue  domination de la Chine durant 1000 ans sur le Vietnam, ce dernier arriva à se distinguer brillamment à partir du XIVème siècle dans le domaine de la céramique. Il devint ainsi un acteur essentiel du  commerce florissant du Sud-Est asiatique dans ce domaine avec ses jonques et sa boussole connue depuis le XIème  siècle. Les récentes fouilles sous-marines  des bateaux chargés de l’histoire de la céramique vietnamienne durant les années 1997-1999   dans la mer de l’Est en particulier  à l’île Poulo Cham (Cù Lao chàm) et l’île Hòn Dầm près de l’île de Phú Quốc (Kien Giang) confirment  le rôle  majeur qu’eut joué le Vietnam dans le commerce des céramiques vietnamiennes à cette époque avec la récupération de  plusieurs objets inestimables parmi lesquels figure le vase en porcelaine bleu et blanc avec les motifs de cygne  reconnu depuis comme le trésor national du Vietnam. Tome Pirès dans sa Suma Oriental (1515) résuma tous ces échanges et nota l’existence même d’une production céramique vietnamienne destinée à la vente pour la Chine. Il y eut même à cette époque l’imitation des bleu et blanc vietnamiens dans les fours chinois de Swatow. 

Selon le chercheur français Philippe Colomban du CNRS, la spécificité de la céramique vietnamienne  commença à se manifester à la naissance d’un Vietnam indépendant.  Les céramiques des Lý et Trần étaient monochromes. Trois types d’émaux étaient rencontrés: ivoire, brun et une couleur à l’imitation du jade, allant du vert au jaune. Lors de l’invasion de la Chine par les Mongols,  la céramique vietnamienne fut très appréciée par la cour de l’empereur  Kubilai Khan (Nguyên Thế Tổ) car dans le tribut  que  le Viet Nam  dut  lui apporter comportait outre les cornes de rhinocéros, des perles, des bols de porcelaine blanche. Son succès est dû en grande partie plus tard  au bleu de cobalt qui insuffle à l’art céramique vietnamien un esprit durant  pendant deux siècles et qui lui permet de conquérir le public étranger même dans les coins les plus refoulés de l’Asie. C’est le cas d’un grand vase- bouteille trouvé du palais Topkapi d’Istanbul portant une inscription en caractères chinois, en bleu sous couverte que l’on peut lire à la vietnamienne : Peint pour le plaisir par Pei suivi par le qualificatif Thi (désignant sans ambiguïté le sexe féminin)  de Nam Sách dans la 8ème année de Thái Hoà (1443-1459) ou un plat à décor floral bleu et blanc du Trésor d’Ardabil (Musée de Téhéran).

Si le bleu de cobalt fut connu au Vietnam depuis longtemps même avant l’invasion chinoise des Ming cruels, il apparaît que son utilisation s’imposa seulement autour des années 1430-1450. C’est à partir de cette époque que le bleu et blanc supplantèrent définitivement les céramiques monochromes.

Vase (Dynastie des Lê)
Photo Loan de Fontbrune

C’est grâce à la maîtrise parfaite des techniques de fabrication, de décoration et de cuisson que le potier vietnamien peut cultiver son imagination. Malgré des contraintes de la peinture sous couverte n’empêchant tout repentir, on voit apparaître sur le grès non seulement des dessins de plus en plus sophistiqués mais aussi une variété de pigments, une éruption de formes et des décors originaux qui l’érigent en artiste  distingué. Si celui-ci emprunte un bon nombre de dessins décoratifs à la Chine (pivoines, lotus, fleurs, rinceaux etc.), il a par contre l’idée de créer un style autonome moins hiératique et plus enjoué que son homologue chinois par la vivacité de son trait et par sa spontanéité.

Il sait adapter ces éléments décoratifs au style vietnamien: le poisson rouge chinois devenant ainsi un gobie  (Cá Bống), un poisson d’eau douce vietnamien. On note également que la céramique vietnamienne ne subit aucune influence occidentale. Il y a la continuité de l’ornementation concentrique sur les assiettes vietnamiennes. Ce n’est plus le cas de la Chine depuis que celle-ci découvrit la perspective à partir du règne de Jiajing (1522-1566). Par contre, la qualité du motif central trouvé sur les assiettes, est nettement supérieure à celle des motifs annexes, ce qui témoigne de l’intervention de plusieurs artisans dans leur réalisation.

Des céramiques vietnamiennes chargées d’histoire  (Philippe Colomban CNRS)

English version

It is astonishing to note that, despite China’s long domination over Vietnam for 1000 years, the latter managed to distinguish itself brilliantly from the 14th century onwards in the field of ceramics. It thus became a key player in the flourishing Southeast Asian trade in this field with its junks and its compass known since the 11th century. Recent underwater excavations of boats carrying the history of Vietnamese ceramics during the years 1997-1999 in the East Sea, particularly at Poulo Cham Island (Cù Lao Chàm) and Hòn Dầm Island near Phú Quốc Island (Kiên Giang), confirm the major role Vietnam played in the trade of Vietnamese ceramics at that time with the recovery of several priceless objects, among which is the blue and white porcelain vase with swan motifs now recognized as a national treasure of Vietnam. Tome Pirès, in his Suma Oriental (1515), summarized all these exchanges and noted the very existence of Vietnamese ceramic production intended for sale to China. At that time, there was even imitation of Vietnamese blue and white ceramics in the Chinese kilns of Swatow.

According to the French researcher Philippe Colomban from the CNRS, the specificity of Vietnamese ceramics began to manifest with the birth of an independent Vietnam. The ceramics of the Lý and Trần dynasties were monochrome. Three types of glazes were encountered: ivory, brown, and a jade imitation color, ranging from green to yellow. During the Mongol invasion of China, Vietnamese ceramics were highly appreciated by the court of Emperor Kubilai Khan (Nguyên Thế Tổ) because the tribute that Vietnam had to bring him included, besides rhinoceros horns and pearls, bowls of white porcelain. Its success is largely due later to cobalt blue, which infused Vietnamese ceramic art with a spirit lasting for two centuries and allowed it to conquer foreign audiences even in the most remote corners of Asia. This is the case of a large bottle-shaped vase found in the Topkapi Palace in Istanbul bearing an inscription in Chinese characters, in underglaze blue, which can be read in Vietnamese: Painted for pleasure by Pei followed by the qualifier Thi (unambiguously indicating the female gender) from Nam Sách in the 8th year of Thái Hoà (1443-1459), or a blue and white floral-decorated dish from the Ardabil Treasury (Tehran Museum).

Although cobalt blue had been known in Vietnam for a long time, even before the invasion of the cruel Ming Chinese, its use only became widespread around the years 1430-1450. It was from this period that blue and white definitively supplanted monochrome ceramics.
Thanks to the perfect mastery of manufacturing, decorating, and firing techniques, the Vietnamese potter could cultivate his imagination. Despite the constraints of underglaze painting that prevent any correction, not only increasingly sophisticated designs appear on the stoneware but also a variety of pigments, an eruption of forms, and original decorations that elevate him to the status of a distinguished artist. While he borrows many decorative designs from China (peonies, lotuses, flowers, scrolls, etc.), he has the idea to create an autonomous style that is less hieratic and more playful than his Chinese counterpart, through the liveliness of his line and his spontaneity.

He knows how to adapt these decorative elements to the Vietnamese style: the Chinese goldfish thus becoming a goby (Cá Bống), a Vietnamese freshwater fish. It is also noted that Vietnamese ceramics do not undergo any Western influence. There is a continuity of concentric ornamentation on Vietnamese plates. This is no longer the case in China since it discovered perspective starting from the reign of Jiajing (1522-1566). However, the quality of the central motif found on the plates is clearly superior to that of the secondary motifs, which indicates the involvement of several artisans in their creation.

Bình màu lam ở điện Tokapi (Istanbul, Thổ Nhi Kỳ)

Articles  trouvés concernant la céramique vietnamienne

La céramique vietnamienne (Philippe Colomban CNRS)
Des céramiques vietnamiennes chargées d’histoire  (Philippe Colomban CNRS)

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Art culinaire (Nghệ thuật ẩm thực của người Việt)

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Vietnamese version

Les Vietnamiens accordent une grande importance à l’art culinaire, en particulier à leur manger. Celui-ci est une première nécessité dans leur vie journalière et dans leur culture. Rien n’est surprenant de voir qu’un grand nombre de mots usuels ont été préfixés par le mot « ăn » bien que l’utilisation de ce dernier ne soit pas justifiée dans la signification de ces mots. Parmi ceux-ci, on peut citer: ăn nói ( parler ), ăn mặc ( habiller ), ăn ở ( vivre ), ăn tiêu ( consommer ) , ăn ngủ ( dormir ), ăn trộm ( voler ), ăn gian ( tricher ), ăn hối lộ (corrompre), ăn hiếp ( opprimer ) etc .. On a l’habitude de dire souvent : Trời đánh tránh bữa ăn pour dire que même Dieu n’ose pas déranger les Vietnamiens durant leur repas.

Leur manger est élaboré soigneusement selon le concept du Yin et du Yang et de 5 éléments (Thuyết Âm Dương Ngũ Hành) qui est à la base fondamentale de leur civilisation Văn Lang.  Yin -Yang (Âm Dương) est la représentation de deux pôles de toutes choses, une dualité à la fois contraire et complémentaire. Est de nature Yin tout ce qui est fluide, froid, humide, passif, sombre, intérieur, d’essence féminine comme le ciel, la lune, la nuit, l’eau, l’hiver. Est de nature Yang tout ce qui est solide, chaud, lumineux, actif, extérieur, d’essence masculine comme la terre, le soleil, le feu, l’été.  L’homme est le trait d’union entre ces deux pôles ou plutôt entre la Terre (Dương) et le Ciel ( Âm ). L’harmonie peut être trouvée seulement dans l’équilibre que l’homme apporte à son environnement, à son univers et à son corps. La nourriture des Vietnamiens trouve ainsi toute sa préparation méticuleuse et sa particularité dans la relation dialectique de la théorie du Yin et du Yang. Elle témoigne aussi du respect de la tradition culturelle millénaire d’un pays agricole et d’une civilisation connue pour la culture du riz avec sa technique de la rizière inondée (trồng lúa nước). C’est pour cela que le riz ne peut pas être manquant dans un repas vietnamien. Il est à la base d’un grand nombre de plats vietnamiens. (bánh cuốn, bánh xèo, phở, bún , bánh tráng, bánh chưng etc…..) (raviolis, crêpe, soupe tonkinoise, vermicelle, galette de riz, gâteau de riz etc ..). Le riz peut être complet, rond, long, concassé, parfumé, gluant etc … Plus qu’un aliment, le riz est pour les Vietnamiens la preuve intangible de leur culture Bai Yue, la trace d’une civilisation qui ne se perd pas sous le poids de la longue domination chinoise.

Âm Dương trong nghệ thuật ẩm thực của người Việt

 

© Đặng Anh Tuấn

La manière de manger des Vietnamiens n’est pas étrangère non plus à la recherche du juste milieu prôné dans le concept du Yin et du Yang. « Manger ensemble » exige à leurs yeux un certain respect, un certain niveau de culture dans l’art de manger car il y a l’interdépendance indéniable des convives dans le partage alimentaire et spatial. On a l’habitude de dire : Ăn trông nồi , ngồi trông hướng. On doit faire attention à la marmite du riz lorsqu’on mange et à l’orientation au moment où on est assis. C’est la maxime que les parents vietnamiens ont l’habitude de dire à leurs enfants quand ils se mettaient à table et étaient encore de jeunes garçons. On doit se comporter au juste milieu lorsqu’on est invité à un repas. On n’a pas le droit de manger trop vite pour éviter d’être taxé d’impolitesse mais on ne peut pas manger trop lentement à son rythme car on peut laisser les autres convives dans l’attente. On n’est pas permis de vider les plats ou la marmitée car on se sent trop gourmand. Par contre, on ne connaît pas le savoir-vivre si on mange un tout petit peu, ce qui pourrait vexer l’hôte de la maison. Ce comportement circonspect peut être résumé par le dicton suivant: Ăn hết bị đòn, ăn còn mất vợ. (Vider la marmitée mérite une fessée, en laisser le reste conduit à la perte de l’épouse). C’est cette recherche constante de l’équilibre évoqué dans la théorie de Yin et de Yang que le Vietnamien doit exercer avec habileté dans un repas . On ne peut pas ignorer non plus le caractère « varié » que porte la nourriture vietnamienne. Celle-ci se caractérise par la diversité et l’exubérance visible des couleurs des ingrédients dans sa préparation.

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Etre Việtnamien (Tôi là người Việt Nam)

Version vietnamienne
Version anglaise

D’après les sources archéologiques dont nous disposons aujourd’hui, les Vietnamiens sont issus probablement du groupe Thai-Vietnamien. Certains historiens continuent de voir non seulement dans ces Vietnamiens les immigrants mongoloïdes venus de la Chine méridionale (les Bai Yue) et s’installant dans le delta du Fleuve Rouge au cours des siècles précédant notre ère mais aussi les fourriers de la civilisation chinoise balayant sur leur passage par la poussée démographique toutes les civilisations brillantes et connues jusque-là sur la péninsule indochinoise (celles de Ðồng Sơn et du Champa plus tard). D’autres pensent que les Vietnamiens sont le résultat de fusion entre plusieurs peuples en contact dans le bassin du Fleuve Rouge parmi lesquels il faut citer les Hmongs, les Chinois, les Thaïs et les Dongsoniens.

En se basant sur leur légende de la pastèque ayant lieu à l’époque des rois Hùng et témoignant de la venue des étrangers d’une race différente qui auraient apporté des graines au Vietnam par la voie maritime ( IIIème siècle avant J. C. ) et sur les fouilles archéologiques confirmant l’existence du royaume de Nan Yue, les Vietnamiens sont convaincus qu’ils étaient issus des Yue mais avec un fonds indonésien probablement par l’intermédiaire des Dongsoniens car le Ðình exhaussé sur pilotis et où réside l’expression la plus vivante de l’âme du peuple vietnamien, ressemble incontestablement à la maison préfigurée sur les tambours de bronze de Đồng Sơn. Cette conviction semble concluante car on trouve aussi d’autres ressemblances étonnantes chez les Vietnamiens comme chez les peuplades indonésiennes: la chique du bétel, le tatouage et le laquage des dents.

À part quelques Français comme Henri Oger ayant pu découvrir dans la société vietnamienne une civilisation millénaire riche en traditions et en coutumes, on continue à se prêter à une confusion hallucinante en considérant que la civilisation vietnamienne est un décalque de la civilisation chinoise. On continue à reprocher aux Vietnamiens de ne pas avoir une civilisation aussi digne, intense et riche que celle qu’on a trouvée auprès des autres peuples d’Indochine (les civilisations khmère et chame) à travers leurs temples d’Angkor et de Mỹ Sơn. C’est une méconnaissance regrettable car pour connaître les richesses de la civilisation vietnamienne, il s’avère indispensable de s’intéresser plutôt à son histoire, à sa littérature qu’à son art.

Comment peut-on avoir un art aussi prodigieux et original lorsqu’on est toujours en lutte perpétuelle avec une nature si rude et impitoyable et lorsque le Tonkin n’est pas d’une richesse exceptionnelle sans parler de la sinisation systématique imposée par les Chinois durant leur mille ans de domination. Malgré cela, les Vietnamiens arrivèrent à montrer à maintes fois leurs techniques, leur savoir-faire et leur imagination qui permirent de conférer à certaines productions vietnamiennes (céramiques en particulier) un rang presque honorable parmi les arts provinciaux du monde chinois. Afin de préserver les traditions et de perpétuer leur culture, les Vietnamiens devaient leur salut dans leur lutte sempiternelle. Grâce à leurs croyances religieuses et à leur environnement quasi hostile au départ, ils avaient en eux un pouvoir considérable de résistance à la souffrance morale et physique qui devenait au fil des années l’une de leurs principales forces pour venir à bout de toutes les agressions extérieures.

Grâce aussi à leur labeur, leur ténacité et leurs sacrifices en vies humaines, ils arrivèrent à refréner les caprices et la colère du Fleuve Rouge, à déboulonner les Chinois hors du Tonkin à maintes reprises et à franchir seulement au XVIIème la barrière qu’est constituée la Cordillère Annamitique impénétrable jusqu’alors dans leur marche vers le Sud. Les Chams étaient les premières victimes de cette confrontation séculaire, suivies par les Khmers. On peut reprocher aux Vietnamiens d’être impitoyables envers les autres peuples mais il ne faut pas oublier que les Vietnamiens ont lutté inexorablement depuis la création de leur nation, pour leur survie et la préservation de leurs traditions.

Les Vietnamiens ont été très désavantagés depuis longtemps par la proximité géographique de la Chine. C’est pour interdire le passage des Mongols de Kubilai Khan dans la conquête du Champa que les Vietnamiens subirent deux fois leurs invasions en 1257 et 1287. C’est pour trouver un passage vers l’empire du Milieu que les Français pensèrent réussir dans un premier temps par le Mékong puis par le fleuve Rouge qui permettait de relier le Yunnan qu’une mission de Doudart de Lagrée suivie par celle de Francis Garnier fut envoyée en Indochine, ce qui permit aux Français de s’intéresser plus particulièrement au Tonkin et d’y intervenir militairement quelques années plus tard.

C’est pour contrer aussi la Chine après la guerre de Corée que les Vietnamiens furent impliqués de force pendant des décennies dans la guerre de confrontation Est-Ouest. C’est aussi pour contrarier la politique de la Chine au Cambodge que les Vietnamiens reçurent une correction en Février 1980 par l’invasion éclair des troupes chinoises à la frontière de Lạng Sơn durant un mois.

Sans leur longue tradition d’indépendance, leur farouche préservation de leur identité et leur forte personnalité, les Vietnamiens auraient disparu depuis longtemps sur la péninsule indochinoise lorsqu’ils sont si proches géographiquement et culturellement de l’empire du Milieu dont la civilisation est non seulement inégalée mais éblouissante aussi depuis quatre mille ans. Le Viêt-Nam serait probablement aujourd’hui une simple province chinoise et un banal avatar de la civilisation chinoise.

Pour ceux qui connaissent bien l’histoire du Vietnam, être Vietnamien, ce n’est pas être si paisible et si cool même si le Vietnamien a l’envie de vouloir l’être. Pétri du limon brun du delta tonkinois dont il est issu, engageant une lutte perpétuelle avec le hargne du Fleuve Rouge, entamant une longue marche vers le Sud par une succession de guerres intermittentes et subissant une longue assimilation et domination des Chinois sans parler d’un siècle de colonisation française et d’une vingtaine d’années le contraignant à devenir contre son gré la cible de la confrontation Est-Ouest et la victime de la guerre froide, le Vietnamien ne se laisse jamais décourager par ces difficultés titanesques.

Par contre, il devient plus aguerri, plus persévérant, plus endurci, plus persuadé dans ses convictions politiques et plus apte à résister vaillamment à ces affronts. Son attachement profond et intime à sa terre natale et à ses traditions le fait devenir intraitable dans la lutte, ce qui fait de lui un conquérant impitoyable et redoutable pour les uns, un défenseur légitime de la liberté et de l’indépendance nationale pour les autres.

Quoi qu’il arrive, il se sent fier de prendre la relève de ses parents pour défendre vaillamment la terre de ses ancêtres et la survie de son peuple et d’être dignement le Fils du Dragon et neveu de l’Immortelle. Mourir pour son pays n’est étranger ni à son tempérament ni à ses traditions. Mais c’est le sort le plus beau, le plus digne d’envie que tant de Vietnamiens comme Trần Bình Trong, Nguyễn Thái Học, Phó Ðức Chính, Nguyễn Trung Trực, Trần Cao Vân etc. ont accepté d’avoir avec bravoure sur cette terre des légendes.

Être Vietnamien,

c’est être capable de résister avant tout à toute assimilation ou idéologie étrangère  et être fier d’avoir dans les veines le sang du Dragon.