Dynastie des Han (Đại Hán)

La dynastie Han

durant quatre siècles (de 206 avant J.C. – 220 après J.C.)

Version vietnamienne


Les Chinois sont fiers d’être les fils des Han. Ils se sentent mieux traités sous la dynastie des Han car celle-ci réussit à leur donner une liberté relative et pratiquer une politique d’apaisement et d’unification culturelle qui est manquante après des années d’absolutisme aveugle, de guerres et d’exactions sous la première dynastie éphémère Qin durant de 221 à 206 avant J. C. Celle-ci a été fondée par  Zheng Ying, le souverain d’un royaume périphérique du nord-ouest de la Chine, descendant de la tribu non-chinoise des Rong venant des steppes. Pourtant grâce aux réformes administratives et législatives engagées successivement par les légistes Shang Yang (Thương Ưởng), Han Fei (Hàn Phi) et Li Si (Lý Tư), ce dernier connu sous le nom Shi Huang Di a réussi à leur donner un empire centralisé et unifié au terme d’âpres luttes contre les six états rivaux (Période des royaumes combattants)(Chiến Quốc) sans oublier de parler l’annexion des royaumes Ba et Shu dans la province de Sichuan (Tứ Xuyên) en 316 avant J.C. Pour parer à toute velléité de résistance et des particularismes locaux, il adopta la politique de transfert de population vers le nord et le nord-ouest. Plus de 100.000 personnes riches et influentes appartenant aux anciens états de Chu (Sỡ Quốc) et de Qi (Tề Quốc) furent déplacées en 198 avant J.C. dans la capitale. Pour agrandir son empire, il ne tarda pas à monter des expéditions militaires non seulement vers le Nord contre les Xiongnu (Hung Nô) mais aussi vers le sud au Fujian (Phúc Kiến), au Guangdong (Quảng Đông), au Guangxi (Quảng Tây) et au Nord Vietnam (Giao Chỉ). C’est dans ces régions méridionales qu’après sa mort, l’un de ses généraux envoyés de nom Zhao To (ou Triệu Đà) associé aux Yue, fonda le royaume Nan Yue (ou Nam Việt) que les historiens vietnamiens considèrent toujours comme leur territoire car celui-ci a réussi à annexer entre-temps le royaume Âu Lạc des Vietnamiens. Éliminant plusieurs généraux rivaux et sortant victorieux de la dernière confrontation avec le brillant descendant du général Xiang Yang (Hạng Yên) de Chu, Xiang Yu (Hạng Vũ), l’ancien chef de relais inculte devenu chef de bande Liu Bang (Lưu Bang) et issu de la classe populaire, se proclama en 202 empereur, fixa sa capitale à Chang’an (non loin de l’actuelle Xian) et fonda ainsi la dynastie des Han. Il entrera dans l’histoire sous le nom Gaozu. (Hán Cao Tổ). Il ne doit son ascension ni à la naissance, ni à la famille mais plutôt à son talent de savoir gérer les talents de ses trois compagnons de route ayant chacun un rôle déterminant dans la conquête du pouvoir: gouvernance avec Xiao He (Tiêu Hà), stratégie avec Zhang Liang (Trương Lương) et tactique militaire avec Han Xin (Hàn Tín)).

Selon l’historien français René Grousset, Liu Bang était le bénéficiaire de l’oeuvre accomplie par l’homme de génie, Qin Shi Houang Di qui avait crée de toutes pièces la centralisation impériale et l’unité chinoise. Durant soixante ans de règne, les successeurs de Gao Zu devaient faire face aux problèmes d’intrigues et d’insoumission dus à leur laisser-faire et leur politique d’apaisement et soulevés par la noblesse de l’empire et aux invasions fréquentes des Xiongnu venant de la Mongolie centrale. Ceux-ci seraient probablement les proto-mongols ou proto-turcs. Ils constituaient une formidable menace pour la dynastie des Han depuis qu’ils furent regroupés sous le commandement unifié de Mao Dun (Mặc Đốn)(209-174 avant J.C.). Ils le feront plus tard en Europe avec Attila.

Les hostilités entre les Han et les Xiongnu eurent lieu en 201 lorsque ces derniers envahissaient Shanxi. Gaozu a failli d’être capturé sur un plateau Baideng près de Pingcheng dans le nord de Shanxi. Il ne dut son salut qu’à la ruse en faisant tenir à Mao Dun le portrait d’une beauté chinoise. Lors cet affrontement, il s’aperçut que sa cavalerie demeurait le talon d’Achille de son armée composée en grande partie des fantassins. Ce n’est pas le cas des Xiongnu (Hung nô) avec la mobilité effarante de leur cavalerie. Ils étaient habitués à apprendre à chevaucher les moutons et à tirer les oiseaux avec arc et flèches dès leur jeune âge. Ils étaient aptes à manier un arc et à servir dans la cavalerie en temps de guerre. De plus, ceux-ci, indépendamment de leurs qualités de cavaliers, disposaient du petit cheval de Mongolie dont l’endurance n’était plus à démontrer. Gaozu comprit la nécessité de doter son armée d’une force équivalente. Du fait que le nombre de haras resta très limité à cette époque dans les commanderies, son successeur, l’empereur Wendy dut recourir à un décret stipulant que chaque famille envoyant un cheval à l’état aurait la dispense de trois de ses membres pour la conscription.

De plus, dans l’armée des Han, il n’y avait  aucune différence entre les chevaux de monte et de trait car ils appartenaient à la même race. Les coursiers chinois étaient reconnus grâce à leur corps massif, à leurs jambes courtes et à leur large encolure et ils étaient beaucoup moins résistants. Pour consolider le pouvoir à l’intérieur de son empire et pour gagner du temps dans le renforcement de sa cavalerie, Gaozu, fut obligé de signer un pacte d’amitié connu sous le nom de heqin en 198 avec le shanyu Modu (ou Maodun). ll dut lui envoyer un tribut annuel composé d’une quantité fixée de soieries, de liqueurs, de riz et de denrées alimentaires en échange de la fin des hostilités. De plus, une princesse de la famille royale fut accordée en mariage au shanyu (empereur des Xiongnu). C’est une façon pour la Chine d’acheter la paix à grand prix dans l’espoir de ne pas être agressée par les Xiongnu et de siniser les barbares car leur empereur devenait ainsi le gendre de la cour des Han. Il ne manque pas dans les poésies chinoises, des ricanements et des plaintes en comparant la princesse à une « perdrix chinoise » livrée en mariage à  » l’oiseau sauvage du Nord ». Il y a un mépris chinois dans la désignation de ces barbares par le mot « Xiongnu » qui signifie « Esclave féroce ». Le cas célèbre reste celui de la femme du harem Wang Zhao Jun (Vương Chiêu Quân) sous le règne de l’empereur Yuandi (Hán nguyên Đế).

Cela nous fait penser à la même démarche employée plus tard par le roi vietnamien Trần Nhân Tôn avec la princesse Huyền Trân Công Chúa pour s’allier au Champa de Jaya Sinhavarman III (Chế Mân) dans la lutte contre les Mongols de Koubilai Khan et dans le but d’obtenir en échange les deux territoires Châu Ô et Châu Rí. On ironise également sur son sort en la comparant à un cannelier poussant au milieu de la forêt et se laissant grimper par un « Yao » ou un « Mường ».

Outre le lourd tribut, la Muraille de Chine reste un rempart indispensable pour marquer le limes entre deux mondes: le barbare et le civilisé, la steppe et la culture. Cette politique de tribut que les Chinois ont qualifié de « cadeaux » est peu payante pour la cour des Han mais elle montre à tel point sa faiblesse vis à vis des nomades car elle est obligée d’être toujours sur une position défensive. Parfois leur provocation est insoutenable et humiliante lorsque l’insatiable Modu s’était mis en tête, rien de moins, que d’épouser l’impératrice douairière Lü Hu (Lữ hậu), la principale épouse de l’empereur Gaozu, par le biais de sa missive. En revanche, sous l’influence chinoise, les Xiongnu commençaient à avoir le goût de luxe dans leur manière de se vêtir de la soie importée de Chine, de styliser les plaques, les boucles de ceinture en bronze ou en or dans leur art animalier voisin de celui des Scythes, de construire les villes fortifiées tout en conservant leurs yourtes traditionnelles etc…

A partir du règne de Wendi, la contribution chinoise à laquelle il faut ajouter du numéraire était toujours en forte hausse. Malgré cela, les Xiongnu insatiables continuaient à lancer sporadiquement de nouveaux raids. Ils ne tardaient pas à faire face à un empereur rival chinois digne de ce nom. Wudi (Vũ Đế) c’est son nom de règne (Empereur guerrier). Celui-ci est considéré par les historiens comme l’un des trois grands empereurs de la Chine avec les empereurs Tang Taizong (Đường Thái Tôn) et Kangxi (Khang Hi, Thanh triều). Rien n’est prévu au départ pour lui à accéder à la plus haute marche de l’empire mais grâce aux intrigues du palais il fut intronisé à l’âge de 15 ans à la mort de son père, l’empereur Jindi en 141 avant J.C.

Empereur Wu Di (Hán Vũ Đế)

Selon la légende, quand il était encore jeune, il fut mis à l’épreuve par l’empereur Jindi pour savoir s’il était intelligent ou non. Sa réponse lui plut tellement que Jindi entreprit de l’instruire et fit changer son prénom en celui de Che: l’intelligent. Au début de son règne, il connut quelques difficultés dans ses réformes à cause du laisser-aller de ses prédécesseurs  prôné par  Daodejing (Đạo Đức Kinh) et du droit de regard de ses proches, en particulier celui de sa mère Wang (décédée en 126 avant J.C.) et de sa grande-mère, la grande impératrice douairière Dou (Đậu Thái hậu) soutenue par la noblesse de la cour.  Celle-ci était  composée essentiellement des tenants du huanglao (un courant privilégiant l’accomplissement individuel et le légisme du gouvernement ) et  des taoïstes. La mort de celle-ci en 135 avant J.C.  lui a permis de mieux asseoir son pouvoir et prendre les rênes du gouvernement à la mort de son oncle maternel et premier ministre Tian Fen (Điền Phần) en -131. Désormais, la moindre critique de sa politique était un crime de lèse-majesté. Il devenait ainsi le monarque absolu de l’empire. Cela ne l’empêchait pas d’être à l’écoute de ses conseillers dans le respect des lois, des rites et des usages. Il fit appel à des hommes nouveaux, des érudits (ou boshis) parmi lesquels figurait un érudit Dong Zhongshu (Đổng Trọng Thư), spécialiste de la Chronique des Printemps et Automnes (Chunqiu). Sur les conseils de ce dernier, Wudi adopta le confucianisme adapté à son temps avec des apports divers, en particulier des emprunts au légisme et à la théorie du Yin et du Yang et des 5 éléments. Cela se traduit dans les faits par une nouvelle doctrine plus cohérente incluant à la fois la politique, l’individu et la société. Les rites étaient célébrés conformément aux prescriptions des textes.

La moralité, la droiture (yi) et la connaissance parfaite des Classiques étaient des critères de sélection dans le recrutement des fonctionnaires dans l’administration par un examen. En 124 avant J.C., Wudi fonda près de Chang An la grande université (taixue), une sorte d’académie impériale consacrée à l’étude des textes de Konfuzi. Le confucianisme commença à gagner toutes les couches de la société. Wudi abandonna en 104 avant J.C. le calendrier des Qin au profit d’un calendrier prenant en compte le premier jour de la première lune du printemps à la place du premier jour du dixième mois lunaire, souvent au mois Février de l’année . C’est ce calendrier que les Chinois continuent à garder jusqu’à aujourd’hui. Puis en trouvant la vertu de la terre du fait que Liu Bang était issu de la classe populaire,   Wudi adopta désormais  l’élément  « Terre » et choisit  la couleur jaune associée  comme la couleur impériale des Han car ce choix fut établi selon l’enseignement de Cinq éléments (Wu Xing)(Ngũ Hành). Par sa couleur ,

blanche (Métal)(Kim) pour les Shang-Yin (Ân–Thương)
rouge (Feu) (Hỏa) pour les Zhou (Châu)
noire (Eau) (Thủy) pour les Qin (Tần)
jaune (Terre)(Thổ) pour les Han. (Hán)

chaque élément  a une signification particulière. Chaque dynastie établit son pouvoir sous la protection de cet élément. Wudi choisit l’élément  « Terre » pour neutraliser l’eau » des Qin. En reprenant l’exemple du premier empereur de Chine (Shi Huang Di) de la dynastie des Qin, on constate que ce dernier avait justifié symboliquement son droit de domination car seule, l’eau représentée par la couleur noire, pouvait détruire le pouvoir du roi des Zhou qui était sous le signe de l’élément feu (couleur rouge). De même la dynastie des Zhou avait réussi à prendre le pouvoir au roi Di Xin (en vietnamien Trụ Vương ou Đế Tân) de la dynastie des Shang car l’élément feu de la dynastie des Zhou pouvait fondre le métal, l’élément protecteur de la dynastie des Shang. La dynastie des Xia serait  associée probablement à la couleur verte si son existence était confirmée. La succession des dynasties  chinoises aboutit au schéma suivant correspondant au cycle de destruction ou de domination dans le Wuxing:

Terre—> Eau—>Feu —>Métal—>Bois

Ce nouvel concept  de l’ordre cosmique des choses   inspire désormais l’organisation des relations de la Chine avec les autres pays ou du roi avec le peuple. Analogue à l’étoile polaire pourpre autour de laquelle gravitent des astres de taille différente, la Chine de Wudi se place au centre autour duquel gravitent des peuples d’importance différente, chacun à sa place. Etant le fils du Ciel, l’empereur placé au centre de son empire est le trait d’union entre le ciel et le peuple. Il gouverne par la justice et les rites. Son pouvoir est confié par le Ciel. C’est pour cela quand on lui obéit, on se plie également aux vœux du Ciel. Il n’est jamais responsable devant le peuple mais il est jugé uniquement par  le Ciel à travers des signes de bon ou mauvais  augure  sur terre (calamités naturelles,  tremblement de terre, bonnes ou mauvaises récoltes, inondations etc…). Les trois guides cardinaux (le dirigeant guide le sujet, le père guide le fils et le mari guide la femme) (Tam Cươnget les cinq vertus permanentes (la bienveillance, la droiture, la bienséance, la connaissance et la sincérité )(Ngũ Thường)  deviennent l’outil  efficace pour consolider non seulement  le pouvoir absolu de l’empereur  mais aussi l’ordre dans la société féodale.

 

Plus de 200 œuvres provenant de 27 institutions et musées
lèvent le voile sur la société chinoise sous la dynastie des Han.

Musée des arts asiatiques Guimet

 Lampe en forme de phénix