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On peut dire qu’aux deux composantes principales de la religion des Thaïs (culte aux génies (Phra) et aux esprits (Phi) et bouddhisme du Petit Véhicule) s’ajoute l’hindouisme. Celui-ci joue un rôle très important en Asie du Sud est asiatique avant que le bouddhisme theravadà réussisse à s’imposer et à embrasser la Birmanie, la Thaïlande, le Laos et le Cambodge.
Il y a autant de génies que d’esprits malveillants dans le panthéon thaï. Cette croyance animiste n’est pas incompatible avec le bouddhisme theravàda car les Thaïs placent les divinités protectrices (les phra) au niveau intermédiaire entre les hommes et les dieux hindous liés étroitement au bouddhisme theravadà. Ils sont en quelque sorte les serviteurs de Bouddha. Le bouddhisme tolère les rites locaux. C’est pourquoi on trouve souvent un petit temple soigneusement entretenu et dédié à Brahma aux quatre visages (Thần Bốn Mặt) aux alentours des bâtiments importants thaïlandais dans le but de permettre à cette divinité d’éloigner les esprits malveillants et de protéger ces lieux. D’autres divinités ne sont pas passées inaperçues dans les endroits publics (pagodes, aéroports, palais royal etc… )
Etant venus tardivement dans ces pays hôtes, les Thaïs devaient assumer au début tous les métiers « ingrats ». Comme leur peau était basanée, les Khmers les appelaient par le nom Syàma (Xiêm La), un mot sankscrit qui signifie « bronzé ». C’est sous ce nom qu’ils furent mentionnés vers 1050 dans l’une des inscriptions chames de Po Nagar (Nha Trang) comme des prisonniers de guerre lors de la confrontation entre les Chams et les Khmers de l’empire angkorien. Ils étaient apparus aussi comme des éclaireurs hardis, des mercenaires de l’armée de l’empire angkorien dont la présence a été rapportée dans l’un des bas-reliefs d’Angkor-Vat. Selon l’archéologue français Bernard Groslier, ils n’étaient que des montagnards turbulents, sans écriture et sans religion. Ils n’avaient aucune chance d’ébranler même les postes frontières de l’empire khmer et des royaumes môn de culture Dvaravati.
Ce n’est pas le cas des Vietnamiens qui commencèrent à bousculer à la même époque le Champa car selon Bernard Groslier, ces derniers constituant déjà une nation remarquablement équipée par la civilisation chinoise durant la longue domination, pouvaient entamer la lutte à armes et à chances égales avec les Chams. Les Thaïs devaient attendre au moins deux siècles pour assimiler les leçons de leurs maîtres avant de pouvoir les remplacer et les surpasser par la suite. En venant du nord et en contact fréquent avec la culture Dvaravati, ils se convertirent très vite au bouddhisme Theravàda (ou Petit Véhicule) ou (Phật Giáo Nguyên Thủy en vietnamien) mais ils continuèrent à garder leur structure sociale organisée en de puissantes chefferies féodales (ou mường).
Pour les Thaïs, la Thaîlande est considérée toujours comme la grande et la puissante chefferie (Mueang des Thaïs libres ou Mường của các người Thái tự do). Même le paradis est organisé en chefferies administrées par des divinités (ou les Devata). C’est ce qui a été rapporté par les Thaïs du Vietnam. Cela concorde avec la remarque d’Alfred Raquez sur la pratique courante des Siamois dans le regroupement de leurs prisonniers en chefferie:
Les Siamois ne semaient pas leurs prisonniers à travers le royaume. Ils les laissaient au contraire groupés, formant des khong à la tête desquels ils plaçaient des chefs de même origine ou naïkhong. Ceux-ci, magistrats suprêmes, réglaient toutes les affaires de la communauté et se trouvaient presque seuls en rapport direct avec les autorités du pays.
La chefferie est à la base de l’organisation sociale, religieuse et politique des Thaïs. Les chefferies sont considérées petites (mường nhỏ) ou grandes (mường lớn) en fonction de leur taille et de leur importance. Cela correspond respectivement à ce qu’on a en France avec le district ou la province. Mais il y a toujours une chefferie centrale (mường luông) vers laquelle convergent les autres chefferies. C’est ce qu’on observe dans l’organisation des chefferies thaïes au Vietnam. Chaque chefferie est dirigée par un chef ou un seigneur issu de l’aristocratie locale ayant en plus un rôle religieux important. C’est lui qui est chargé d’assumer le culte de l’esprit du sol. C’est pourquoi il a une prééminence sur les villageois. Ceux-ci lui doivent non seulement le service armé en cas d’une guerre mais aussi la corvée. Chaque chefferie a ses propres coutumes. Son organisation administrative et militaire ressemble à celle des Mongols qui permet de distinguer les nobles et les guerriers avec le reste (les roitelets et les paysans serfs). Chacun a son grade ou son rang dans un système nommé sakdina (sakdi signifiant pouvoir et na rizière). Supposons que chaque paysan possède 25 rai (quantité de terre équivalente à 1600 m2 ou rẫy en vietnamien ). Un patron de grade 400 en sakdina peut avoir 16 paysans sous ses ordres car 16= 400/25. Quant à un noble ou un seigneur, il peut avoir 400 personnes sous ses ordres si son grade s’élève à 10000 dans le système sakdina. (400=10000/25). Bref, en fonction de son grade, il peut disposer d’un certain nombre de gens pour le système de corvées civiles et militaires.
Chaque chefferie est constituée de plusieurs hameaux (ou thôn en vietnamien) gérés chacun par un conseil de notables et ayant 40 ou 50 maisons excepté certain pouvant atteindre jusqu’à 100 maisons. Analogues aux Vietnamiens, les Thaïs installent d’une manière générale leur hameau et leur chefferie dans les plaines alluviales (celle de Chao Praya par exemple ) et les régions ayant des cours d’eau importants et propices à la culture du riz inondé, au transport et à l’interconnexion des routes pour faciliter l’échange avec les autres chefferies thaïes.