Maison communale (Đình Làng: phần 2)

 

 

 

 

 

 

 

 

Version vietnamienne

Deuxième partie

On est habitué à dire : Cầu Nam, Chùa Bắc, Ðình Ðoài pour rappeler la réputation  des trois régions spécifiques de l’architecture traditionnelle vietnamienne. Ðình Ðoài insinue ainsi la région Ðoài (Hà Ðông, Sơn Tây) où figure un grand nombre de đinh réputés. (Tây Ðằng, Mông Phụ , Chu Quyến etc…). C’est dans cette région proche de la montagne et des forêts qu’on trouve du bois précieux, résistant et dur indispensable à la construction des đình.

Origine du mot Ðỉnh

Le mot đình vient de l’idéogramme chinois ting. Malgré cela, le đình dans l’architecture vietnamienne ne correspond pas à la description du ting des Chinois. Ceux-ci l’employaient au cours du temps pour désigner un pavillon isolé ayant pour but de goûter les joies culturelles (thưởng ngoạn văn hóa) ou une maison de repos (đình trạm) pour un voyageur ou  un mandarin en mission ou un temple pour le culte du génie des remparts à l’époque des Han. Dans ce sens, on retrouve le même type de ting au Vietnam avec le đình Trấn Ba au temple Ngọc Sơn (Hànội) ou Thủy Ðình ( Ðình sur l’eau) en face de la pagode Thầy (Chùa Thầy) (Hà Tây). En s’appuyant sur l’origine du mot Ðình, certains spécialistes n’hésitent pas à penser que le culte du ting chinois a inspiré celui du đình vietnamien. Pour l’écrivain et journaliste vietnamien Hữu Ngọc, le génie des remparts a été remplacé par le génie tutélaire du village pour s’adapter au goût des Vietnamiens. Mais il y a plusieurs raisons ne permettant pas de conforter cette hypothèse.

D’abord, le đình vietnamien qui doit sa solidité à un ingénieux système de colonnes, de tenons et de mortaises,  était édifié sur pilotis (sans fondation coulée). Cela permet de faciliter parfois son déplacement ou son ré-orientation au cas où son installation initiale n’apporte pas la prospérité et le bonheur au village après plusieurs décennies d’exploitation. Ce type de construction nous fait penser à certains chercheurs, en particulier au chercheur français Georges Coedès.   Pour lui, le đình vietnamien était influencé incontestablement par le style architectural « indonésien ».

Cela ne met pas en cause ce qu’on a déjà découvert sur les tambours de bronze vietnamiens avec la maison sur pilotis et un toit incurvé. (le tambour Ngọc Lữ ). On sait très bien que les Dongsoniens ( les ancêtres des Vietnamiens ) furent établis le long de la côte du Nord Vietnam (1er millénaire avant J.C.). Ils furent considérés comme des « Indonésiens » (ou Austroasiens (Nam Á en vietnamien)), les Bai Yue. Selon le chercheur vietnamien Trịnh Cao Tường, un spécialiste dans l’étude des maisons communales (đình) des villages vietnamiens, l’architecture de la maison communale vietnamienne exhaussée sur pilotis témoigne de l’écho de l’esprit des Dongsoniens continuant à se perpétuer encore dans la vie journalière des Vietnamiens. De plus, ce type d’édifice ressemble à la bâtisse commune sacrée rôong (nhà rồng) sur pilotis qu’on est habitué à trouver chez les populations austro-asiatiques, en particulier les ethnies du Tây Nguyên  (Hauts Plateaux du Centre du Vietnam ). Analogue à la maison communale des Vietnamiens, la bâtisse rôong cumule un grand nombre de fonctions sociales: salle de conseil du comité villageois, centre d’hébergement des visiteurs occasionnels, lieu de ralliement de tous les villageois etc…Certains đinh vietnamiens sont munis de planchers en bois servant de siège de réunion ou de divan pour les notables et les villageois. Ce n’est pas le cas des ting chinois.

Đình Mông Phụ (Sơn Tây)

 

 

Au XVIII ème siècle, on recensa à peu près 11.800 villages au Vietnam. Cela veut dire qu’il y a autant de maisons communales (ou đình) que de villages. Comme les Vietnamiens ont l’habitude de dire : l’eau qu’on boit rappelle la source (Uống nước nhớ nguồn), il y a toujours en eux une reconnaissance, une gratitude envers ceux qui leur ont rendu service ou envers leur pays. C’est pourquoi rien n’est surprenant de voir un grand nombre de personnages historiques (héros nationaux et locaux) ou légendaires (Génie de la Montagne Tản Viên par exemple) et de bienfaiteurs faisant partie des génies tutélaires des đình. Ceux qui ont accompli des actions d’éclat ne sont pas non plus oubliés. De plus, parmi ces génies tutélaires, il y a aussi les enfants, les mendiants et les voleurs. Ceux-ci meurent de mort violente  à une heure sacrée (ou giờ thiên), ce qui leur confère des pouvoirs surnaturels pour protéger les villageois contre tous les maux et tous les malheurs. Grâce à ces dieux communaux, le village retrouve non seulement la tranquillité et la prospérité mais aussi les règles, la justice et la morale. Ils sont en quelque sorte la personnification de cette autorité suprême qui puise toute sa force dans le village lui-même. En fonction de leur rôle plus ou moins rempli, ils peuvent recevoir des brevets royaux (sắc phong) qui leur accordent les grades de « génie du rang supérieur (ou Thượng đẳng thần) » ou de « génie du rang moyen (ou Trung đẳng thần) » ou du « génie du rang inférieur (Hạ đằng thần) ». Cette institution permet au roi de rétrograder ceux d’entre eux ne réussissant pas à remplir leur mission lorsqu’ils n’arrivent pas à rétablir l’ordre  au village ou en laissant périr les villageois. Etant gardés avec soin et jalousie dans le Hậu Cung (ou palais intérieur), ces brevets royaux sont la fierté indescriptible de tout le village. Si ce dernier n’a pas son génie tutélaire, il est obligé d’emprunter le génie tutélaire d’un autre village ou de le remplacer par le génie du sol (thổ thần). Au cas où les  deux villages sont unis par un culte commun au même génie tutélaire, ils doivent s’arranger de manière que le jour de fête soit fixé à une date convenue dans chaque village et que tout le monde puisse y participer par l’envoi d’une délégation lors de la procession. Contrairement aux temples construits et entretenus aux frais de l’état, les maisons communales sont aux frais des villages car il s’agit bien d’un culte local. Les richesses trouvées dans la décoration des đình et leurs dimensions dépendent à la fois de l’aisance financière et de la générosité des villageois. On trouve dans chaque village des parcelles de terre appelées rizières des rites (ou tế điền) ou rizières des génies (ruộng thần từ) dont l’exploitation sert à entretenir le đình et dont la superficie peut atteindre parfois  plusieurs dizaines de mẩu (ou 0,36 ha) dans certains villages d’avant 1945. C’est aux autorités hiérarchiques locales la responsabilité d’administrer le đình ainsi que le village comme « une petite cour« . Les règles, les mœurs et les traditions sont appliquées avec sévérité et elles sont plus respectées que l’autorité du roi à cette époque. Les femmes ne sont pas admises dans le đình. C’est pourquoi on a l’habitude de dire en vietnamien « Phép vua thua lệ làng » (L’autorité du roi cède devant la coutume du village). (Lire la suite)

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.