Art de décoration dans les Ðình
Grâce à la maison communale (đình), on découvre que la vie villageoise s’introduit intimement dans l’art de décoration. Celui-ci tente de se libérer non seulement des modèles conventionnels classiques rencontrés jusqu’alors mais aussi du carcan confucianiste qu’a connu le Vietnam dans le système féodal. C’est ce qu’on voit dans les sculptures sur bois qui occupent tous les espaces libres rencontrés à l’intérieur du đình, de la charpente de la toiture jusqu’aux colonnes.
Tous les défauts de la construction sont cachés avec adresse grâce à cette technique d’embellissement. Dans chaque pièce sculptée, le motif que ce soit un animal, un personnage, une fleur etc… est unique et ne se retrouve nulle part même s’il s’agit du même thème. Par contre, on découvre dans ces sculptures la coexistence à travers des siècles de deux cultures, l’une nationale et savante et l’autre populaire. On trouve non seulement dans la première tous les motifs relatifs aux quatre animaux hiératiques (Rồng, Lân, ,Rùa, Phượng) ( Dragon, Licorne, Tortue, Phénix) aux plantes nobles, aux fées, aux animaux (tigres, éléphants etc.) mais aussi la fantaisie, l’imagination, l’innovation de la part du paysan-sculpteur malgré son obéissance stricte aux normes fixées. Dans les sculptures populaires, le maître artisan qui est avant tout un paysan, tente de « se libérer lui-même » et se laisse guider par ses inspirations personnelles, ses émotions sincères, ses frustrations, sa spontanéité et ses sentiments dans la réalisation de son oeuvre avec réalisme et humour. Il réussit à échapper à la censure des mœurs par une habilité peu commune en procédant à la description des scènes grivoises dans son oeuvre: une jeune fille se baignant nue dans la mare aux lotus ou assise d’une manière indiscrète sur une tête de dragon (đình Phụ Lão, Bắc Giang) , un jeune homme pelotant le corps d’une femme sous le regard complice d’un compère (đình Hưng Lộc), un mandarin dérangeant un fille au moment de la baignade et profitant de mettre la main sous sa camisole (đình Ðệ Tam Ðông, Nam Ðịnh) etc.
Le dragon aux aspects multiples dans les đình
Il ose dénoncer les malversations des mandarins corrompus. C’est ce qu’on voit dans la pièce sculptée du đình Liên Hiệp. Ce sont les interdits et les tracasseries rencontrés tous les jours dans la société confucéenne vietnamienne. Tout ce qui est trouvé dans cette sculpture populaire reflète en grande partie la liberté d’expression de l’artiste ainsi que les aspirations communes du village. Le paradoxe est visible car le đình est à la fois le gardien de l’ordre confucéen qui s’est solidement implanté au fil des siècles dans l’infrastructure familiale et sociale vietnamienne et le lieu où le paysan peut retrouver sa liberté d’expression et dénoncer le carcan confucéen. Avec ses sculptures et son architecture, le đình constitue un trésor inestimable pour le peuple vietnamien. On a l’habitude de dire en vietnamien: làng nước ( Village Nation ) car la nation vietnamienne s’est formée au fil des siècles par l’essaimage des villages dont le đình est à la fois le centre spirituel et administratif, social et culturel. Dès lors, le đình est non seulement l’âme du village mais aussi celle de la nation vietnamienne.
Bibliographie:
Trịnh Cao Tường: Kiến trúc đình làng. Khảo cổ học, 2/1981, trang 56-64.
A la découverte de la culture vietnamienne. Hữu Ngọc. Editions Thế Giới. Hànôi 2011
Le Ðình, maison communale du Viêt Nam. Hà Văn Tấn, Nguyễn Văn Kự, Editions Thế Giới, 2001