À la recherche de l’origine du peuple vietnamien: 2ème partie

Đi tìm nguồn gốc dân tộc Việt (Phần 2)

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À la recherche de l’origine du peuple vietnamien 

Cette constatation a été confirmée par ce qu’on avait découvert dans les tombes du site Guiqi de Jiangxi : Les armes trouvées ont porté un caractère symbolique car elles étaient tout en bois. Elles n’ont pas eu une place importante dans leur vie ou leur après -vie. On a été amené à conclure que contrairement à la société des gens du Nord, celle des Yue était plutôt pacifique. C’est pourquoi cela ne leur permit pas de résister mieux à chaque empiétement de leurs voisins du Nord , les Yi qui ne cessèrent pas de grignoter leur territoire et de les refouler un peu plus au sud à chaque confrontation. Les Yi se distinguaient par leur art de fabriquer des arcs et des flèches. Ils étaient des guerriers redoutables et doués pour le tir à l’arc et l’équitation. Endurcis par la rudesse de la nature, ils étaient habitués à lutter contre les animaux sauvages et les autres tribus. Cela leur permit d’avoir au départ dans leur sang le gène d’un conquérant et d’un lutteur.

Ce n’était pas le cas des gens du Sud , les Bai Yue. Le sage Confucius a eu l’occasion de comparer les forces que possédaient respectivement les gens du Nord et du Sud: le courage et la puissance ( Dũng ) pour les premiers et la bienveillance et la générosité ( Nhân từ ) pour les seconds. Déjà le caractère « Yi » qui était à l’origine le dessin d’un homme   portant un arc  nous a donné une idée précise sur la particularité des gens du Nord. Ceux-ci, sous la direction de Houang Di (Hoàng Ðế) , ont réussi à refouler les premières tribus de Baiyue vivant dans le territoire délimité par le fleuve jaune Huang He et le fleuve bleu Yangtsé et dirigées par Chiyou (Xi Vưu) (ou Ðế Lai en vietnamien) en alliance avec le roi Lôc Tục (ou Kinh Dương Vương) régnant au sud du Fleuve Bleu sur le vaste pays des Xích Qủi (Pays des démons rouges). Selon la légende chinoise, cette confrontation a eu lieu à Trác Lộc ( Zhuolu ) dans l’actuelle province de Hebei et a permis aux gens du Nord d’entamer progressivement leur expansion jusqu’au fleuve Bleu. Le décès de Chiyou a marqué la première victoire des gens du Nord sur le peuple Bai Yue il y a eu à peu près 3000 ans avant J.C.

À l’époque des Shang, aucun document historique chinois ou vietnamien ne parla des relations entre les Bai Yue et les Shang à part la légende vietnamienne de « Phù Ðổng Thiên Vương » (ou le héros céleste du village Phù Ðổng) qui a rapporté une confrontation entre les Shang et le royaume de Văn Lang des Luo Yue. Par contre, on nota le contact établi plus tard entre la dynastie des Zhou et le roi des Luo Yue ( Hùng Vương ) . Un faisan argenté ( chim trĩ ) avait été offert même par ce dernier au roi des Zhou selon l’ouvrage Linh Nam Chích Quái. A l’époque des Printemps et Automnes, un état des Yue de l’Est se fit connaître dans les Mémoires Historiques de l’historiographe de l’empire des Han Si Ma Qian (Tư Mã Thiên) . C’était le royaume du seigneur illustre Gou Jian (Câu Tiễn). À la mort de celui-ci, ses descendants ne réussirent pas à maintenir l’hégémonie. Sur le moyen cours du fleuve Bleu, un autre royaume fondé aussi par l’une des tribus de Bai Yue ( Bộc Lão ) et connu sous le nom de Chu ( Sở Quốc ) prit la relève à l’époque des Royaumes Combattants et devint l’ une des sept principautés rivales (Han , Zhao, Wei, Yan, Qi , Qin et Chu). (Hàn, Triệu, Ngụy, Yên, Tề, Tần và Sỡ)

Avant d’être vaincu par la force des armes de l’armée des Qin, le royaume de Chu a apporté indirectement sa contribution indéniable en faveur de la future formation et de l’unité de la nation chinoise que les Yi avaient commencé à mettre en place en éliminant en 332 l’état des Yue de l’Est de Goujian et en commençant à donner une nouvelle impulsion au développement d’un grand état avec les réformes de Wu Qi (Ngô Khởi).

Les Gou Yue (ou les Yue de l’Est) commencèrent à se réfugier dans le sud du territoire des Bai Yue après l’annexion de leur territoire par le royaume de Chou. Selon Léonnard Aurousseau, après leur défaite, les Gou Yue ou les Ðông Âu ( ou Est Âu ) trouvaient asile en grande nombre dans les régions suivantes: Foujian (Phúc Kiến), Guangdong (Quảng Ðông), Guangxi (Quảng Tây) et Jiaozhi (Giao Chỉ) et y devenaient ainsi les Mân Yue (Foujian) , les Nan Yue (Jiangsu, Jiangxi) et les Luo Yue (Guangxi , Jiaozhi). Tous ont été sinisés au fil des siècles sauf les Luo Yue. Ces derniers étaient les descendants légitimes des Gou Yue car ils appartenaient comme les Gou Yue à la branche Âu et ils étaient connus souvent sous le nom Tây Âu (les Xi Ou ou Ouest Âu).

 » Il n’y avait plus de doute sur l’origine des Luo Yue » , c’est ce que l’érudit français Léonnard Aurousseau a écrit dans son ouvrage «  Notes sur les origines du peuple annamite (Ghi chép nguồn gốc dân tộc An Nam) » ( BEFEO, T XXIII, 1923 , p 254 ). D’autres Yue, en particulier ceux vivant dans le royaume de Chu ne tardèrent pas à les suivre lors de l’unification de la Chine par Qin Shi Huang Di. Celui-ci n’hésita pas à bannir tous ceux qui avaient osé résister à sa politique d’assimilation, en particulier les Yue et les Miao aux travaux forcés dans la construction de la Muraille de Chine, à brûler non seulement tous les ouvrages des lettrés confucianistes mais aussi ceux des autres peuples insoumis et à maintenir sa politique d’agression contre les Bai Yue jusqu’au Ling Nan ( Linh Nam ). La conquête du territoire des Xi Ou et des Luo Yue (Tây Âu) de Thục An Dương Vương qui a marqué la deuxième confrontation des Chinois avec les Bai Yue, fut achevée en 207 avec la nomination des deux gouverneurs célèbres du territoire conquis: Nhâm Hiếu ( Jen Hiao ) et son adjoint Triệu Ðà. (Zhao Tuo).

A la mort de Nhâm Hiếu, profitant des troubles consécutifs à la chute de l’empire des Qin en 207, Triệu Ðà. (Zhao Tuo) s’allia avec d’autres Yue pour déclarer l’indépendance du royaume de Nan Yue pour lequel il conquit les anciennes commanderies de Guilin et Xiang puis il attaqua en 184 avant J.C. la région de Chang Sha (Hunan (Hồ Nam)). Ce royaume resta éphémère et retomba dans le giron des gens du Nord, les Hán en 111 avant J.C. malgré la résistance héroïque du premier ministre Lục Gia. Cette confrontation, la troisième avec le peuple Bai Yue fit perdre à ce dernier non seulement son territoire mais aussi son identité culturelle. La sinisation commença à battre son plein sur le territoire conquis (Foujian (Phúc Kiến), Guizhou (Qúi Châu), Guangdong (Quảng Ðông), Guangxi (Quảng Tây) , Yunnan (Vân Nam), Tonkin (Giao Chỉ). Beaucoup de révoltes et d’insurrections ont éclaté durant cette longue période de domination chinoise. Mais la révolte la plus éclatante resta celle menée héroïquement par les deux sœurs Trưng Trắc, Trưng Nhị . A l’appel de ces dernières en 39 après J.C. , les Yue vivant dans le Sud de la Chine et dans la grande partie du Tonkin les joignirent. Cela leur permit de tenir tête à l’armée des Hán jusqu’en 43 après J.C. Mais elles furent battues finalement par un grand maréchal chinois de l’époque Ma Yuan (Mã Viện)(Phục Ba Tướng quân). Celui-ci, envoyé par l’empereur Guang Wu (Quang Võ) des Hán, décida de détruire tous les tambours en bronze trouvés sur le sol des Luo Yue car il sut reconnaître lors de la confrontation que ces objets ont eu la valeur d’un emblème de pouvoir pour ces derniers. Selon l’on-dit, pour reculer la frontière jusqu’au portail Nam Quan, il n’hésita pas à édifier un pilier haut de plusieurs mètres, fabriqué avec du bronze récupéré de ces tambours et portant l’écriteau suivant:

Ðồng trụ triệt , Giao Chỉ diệt
Ðồng trụ ngã, Giao Chỉ bị diệt.
Le Giao Chỉ disparaîtrait pour toujours avec la chute de ce pilier

Mais cela n’émoussa pas la volonté et l’ardeur indépendantiste des Luo Yue ( les Việt ). Ceux-ci décidèrent de le consolider en jetant, à chaque passage, un morceau de terre autour de cette colonne colossale, ce qui permit d’édifier progressivement un monticule faisant disparaître ainsi ce pilier mythique. Pour parer à toute éventualité de révolte, il y a eu même un édit de l’impératrice Kao (Lữ hậu) en 179 avant J.C. stipulant qu’il était interdit de livrer non seulement aux barbares et aux Yue des instruments aratoires et en métal mais aussi des chevaux, des bœufs et des moutons. Ce fait a été rapporté par E. Gaspardone dans son ouvrage intitulé  » Matériaux pour servir à l’histoire de l’Annam » (BEFEO, 1929). A cause de cette politique, il n’est pas étonnant de découvrir récemment un grand nombre de tambours en bronze enterrés au Vietnam et dans les régions avoisinantes (Yunnan, Hunan ). La civilisation dongsonnienne prit fin durant l’occupation chinoise

L’enrôlement forcé des Yue dans l’armée des conquérants et le contact qu’ils ont eu au fil des années avec les Chinois leur permit de connaître mieux les techniques de guerre (Sunzi (Tôn Tử) par exemple ) et de perfectionner leurs armes dans leur lutte contre les envahisseurs dans les années à venir. En revanche, les Chinois se sont appropriés tout ce qui leur appartenait durant leur longue occupation. Ces Yue continuaient à être traités comme des peuples barbares malgré leur contribution indéniable au rayonnement de la culture chinoise. Ces gens du Nord pouvaient prétendre être désormais les détenteurs légitimes de l’Ecrit de Luo , de la théorie de Yin -Yang et de 5 éléments (Âm Dương ngũ hành) bien qu’un grand nombre d’incohérences fussent trouvées dans leur affabulation mythique.  © Đặng Anh Tuấn

Modèle reconstitué et retrouvé sur le site du Banpo.

Ils remodelaient le dragon, l’animal aquatique mythique préféré des Bai Yue, qui avait au départ une tête d’alligator et un corps de serpent, à leur tempérament de guerrier et à leur goût en lui donnant des ailes et un tronc de cheval et l’adoptaient définitivement comme leur animal symbolique bien qu’ils eussent le tigre blanc dans leurs traditions turco-mongoles. Leur maison de forme ronde dont le modèle a été reconstitué et retrouvé sur le site du Banpo a été remplacée par la maison spacieuse au toit largement ensellé et débordant en auvent, celle des Bai Yue. Dans les tourbillons de l’histoire, il n’y avait plus de place pour les Bai Yue.

© Đặng Anh Tuấn

Exceptés les Luo Yue, les autres peuples de Bai Yue continuaient à être sinisés de manière qu’à la fin du Xème siècle, sur leur territoire, il ne resta que deux peuples face à face, un peuple conquérant ( les Han ) et un peuple insoumis (Les Luo Yue ou les Vietnamiens) en quête d’indépendance. Les états des Gou Yue, des Nan Yue, des Man Yue etc. firent partie désormais de la Chine du Sud. Profitant de la dislocation de l’empire des Tang (nhà Đường), les Luo Yue déclarèrent leur indépendance avec Ngô Quyền.

La nation vietnamienne commença à voir le jour. Il ne faut pourtant pas croire que tout se passe réellement dans la douceur et dans l’harmonie. Il faut tant de sacrifices pour que les gens du Nord acceptent cette réalité. C’est ainsi que la page de l’histoire des Bai Yue était confondue désormais avec celle des Luo Yue .

Les découvertes scientifiques récentes ont changé radicalement la vision qu’on a des gens de Bai Yue et particulièrement de leur histoire.? Elles ont remis en cause l’idée d’un diffusionnisme culturel originaire du Nord. Des vestiges plus anciens encore que ceux de Hemudu ont été découverts récemment dans le moyen fleuve Bleu à Pentoushan (Hunan (Hồ Nam)). Peut-on continuer à considérer les Miao, les Bai Yue comme des gens « barbares » ? Pourtant le caractère Miao (ou Miêu en vietnamien ) qui porte à l’origine le dessin d’une rizière (Ðiền)  au dessus duquel est ajouté le pictogramme « Thảo » (cỏ) ( herbe) montre à l’évidence la façon des Chinois de s’adresser à des gens sachant faire la riziculture avec leur langage. Peut-on continuer à maintenir une version traditionnelle et obsolète écrite par les conquérants au détriment de la recherche de vérité historique? Il s’avère indispensable de remettre le train de l’histoire sur les rails tout en sachant que la civilisation chinoise n’a pas besoin de ces affabulations car elle a mérité de figurer depuis longtemps parmi les grandes civilisations de l’humanité. Ce sont les ancêtres des Luo Yue qui ont appris aux gens du Nord la culture du riz mais non pas inversement comme cela a été écrit dans un grand nombre de documents historiques chinois et vietnamiens. Il est temps de rendre hommage à nos ancêtres, les Yue, qui à cause de leur tempérament pacifique, étaient obligés de s’effacer devant l’usage de la force dans les tourbillons de l’histoire.

 

Héritant d’un passé glorieux, empêtré successivement dans des guerres fratricides et coloniales et plongé dans la corruption, le Vietnam des Luo Yue a besoin de se ressaisir car il ne mérite pas de faire partie des pays les plus pauvres du monde. Il est temps pour lui de suivre la voie tracée par ses ancêtres et de faire mieux qu’eux

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