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Pourquoi les Hmong n’ont-ils pas un pays comme nous, les Vietnamiens? Pourquoi vivent –ils indéfiniment dans la pauvreté au sud de la Chine ou dans la péninsule indochinoise ? Pourquoi deviennent -ils ainsi une minorité du Vietnam alors qu’ils sont très nombreux avec au moins 20 millions de personnes dans leur région. Les Hmong sont divisés en plusieurs sous-groupes locaux: les Hmong verts, les Hmong rouges, les Hmong bariolés, les Hmong noirs et les Na Mieo.
Les Hmong (Les Miao ou Miêu en vietnamien) vivant actuellement au Vietnam sont les descendants des émigrés venant du Sud de la Chine. Aux environs de la fin du 18ème siècle et au début du 19ème siècle, les Hmong émigrèrent dans la péninsule indochinoise (Laos, Vietnam et Thaïlande) et s’installèrent au Vietnam dans les régions montagneuses de Hà Giang et Lào Cai loin des plaines déjà occupées par les ethnies majoritaires.
L’histoire de leur émigration était liée étroitement à l’insoumission à la culture chinoise et à la politique de la sinisation pratiquée par les gens du Nord. Selon leurs récits mythiques transmis oralement de génération en génération, leurs ancêtres vivaient dans les régions couvertes de neige et de glace où la nuit durait près de 6 mois. C’est pourquoi, les Hmong habitués à vivre dans les régions tropicales et n’ayant pas l’occasion de voir la neige, utilisent des termes « nước cứng (ou eau solide) » et « cát trắng mịnh (ou sable blanc fin) » pour désigner respectivement la glace et la neige. Selon les historiens, leurs origines se situeraient en Sibérie (Tây Bá Lợi Á) et sur les vastes plateaux de Mongolie. Certains traits proéminents caucasiens sont décelés parmi les Hmong d’aujourd’hui. D’autres optent plutôt pour le Tibet à cause de leurs rites chamaniques. Il y a plus de spéculations que de certitudes sur l’exactitude de l’origine géographique des Hmong. Dans les textes chinois, les Hmong étaient désignés sous le nom de Miao incluant au départ toutes les ethnies non han (non chinois) vivant dans le sud-ouest de la Chine. Aujourd’hui, ce nom est réservé au groupe de population clairement identifié et distinct dont font partie les Hmong de la péninsule indochinoise et les populations de la minorité ethnique Miao en Chine (les Hmong, les Hmou, les Qoxiong et les Hmau) apparentées au niveau linguistique et culturel. Le caractère chinois Miao (苗)( ou Miêu en vietnamien ) qui porte à l’origine le dessin d’une rizière (田)(ou điền en vietnamien) au dessus duquel est ajouté le pictogramme » Thảo » (cỏ) ( herbe )(艹) montre à l’évidence la façon des Chinois de s’adresser à des gens sachant faire la riziculture avec leur langage. Les Miao étaient bien au départ les riziculteurs sédentaires des plaines. A force d’être chassés par les vagues successives des Chinois qui les dépossédèrent de leurs terres cultivables et de leurs rizières, les Miao finirent par devenir des montagnards et le demeurèrent jusqu’à nos jours. Acculés dans les régions montagneuses de haute altitude hostiles et inaccessibles, ils furent obligés de s’adapter à chaque environnement où ils cherchaient avec ingéniosité un modèle agricole qui leur permit de pratiquer la riziculture. (rizières en terrasses). Malgré cela, les Chinois avaient l’habitude de les considérer comme des barbares. Ils étaient allés jusqu’au point de distinguer dans leurs textes les shu Miao (ou les Hmong cuits) des sheng Miao (les Hmông crus) càd les Hmong assimilés ou ralliés des Hmong indépendants et irrédentistes restés en marge de la civilisation chinoise.
Un peuple en quête de liberté
Ils s’étaient donnés la tâche de transformer ces sheng Miao en shu Miao. Les mythes et les réalités ne manquent pas d’étoffer l’histoire des Miao (ou des Hmong) . Celle-ci est jalonnée de conflits sempiternels avec les Chinois depuis la nuit des temps. Cette longue histoire de résistance à l’oppression leur confère une réputation particulière: ce sont des gens inassimilables et belliqueux. Les Miao (ou les Hmong) voisinèrent aux temps préhistoriques (4000- 5000 ans avant J.C. ) avec les tribus Hsia (1) dans le bassin moyen du fleuve Jaune (Honan ou Hà Nam en vietnamien). Etant associés à Chi You (Suy Vưu), ils engagèrent la première confrontation qui se solda par leur défaite et la mort de ce dernier à Trác Lộc (Zhuolu) dans la province chinoise de Hebei (Hồ Bắc) (à peu près 2690 ans avant J.C.).
Ils furent refoulés dès lors par l’empereur jaune Huang Yuan (Hiên Viên) et Yu le Grand (Ðại Vũ) dans le territoire des Bai Yue jusqu’au bassin du fleuve Yang Tsé. D’autres conflits guerriers furent évoqués avec des groupes Miao dans les écrits historiques chinois des dynasties historiques Shan (Ân) et Zhou (Châu) (1121 – 256 av. J.C.).
C’est dans le cours moyen du fleuve Yang Tsé (Dương Tữ Giang) qu’ils exerçaient une influence notable sur la vie politique et sociale du royaume de Chu (Sỡ Quốc), l’une des trois principautés pour discuter l’hégémonie à l’époque des Royaumes Combattants (Thời Chiến Quốc). Outre le rappel à l’âme, on a relevé les rapports étroits entre la culture de Chu et les Miao sur les divers traits de la culture, du mode de vie, de l’habitat, de la langue etc…(2). Ils constituaient probablement avec les Luo Yue (les Proto-Vietnamiens) et les ancêtres des Thai actuels (les Si Ngeou ou Tây Âu) la force majeure dans la population de Chu. Celui-ci devint ainsi le premier rempart des tribus Yue et des Miao dans la lutte engagée contre les Chinois.
Photos des femmes Hmong
Etant en chanvre, en soie ou en coton, la jupe plissée des femmes Hmong dont la décoration est propre à chaque groupe, peut demander plus de 20 mètres pour la longueur de tissu. Le plissage est l’une des caractéristiques des jupes des femmes Hmong.
© Đặng Anh Tuấn
Après la disparition de ce royaume, les Miao continuèrent à être refoulés dans les montagnes du Guizhou (Qúi Châu) autrefois appelé Kweichow, du Sichuan (Tứ Xuyên) et du Yunnan (Vân Nam). D’autres conflits guerriers éclatèrent avec les groupes Miao à l’époque de la première dynastie des Han (140 – 87 avant J.C.) et durant les Cinq Dynasties (Ngũ Ðại) (907-960 après J. C.). Le nom des Miao fut oublié temporairement dans les écrits chinois jusqu’à l’établissement de la suzeraineté chinoise sur ces provinces par les Yuan (ou les Mongols de Chine). Puis il y fut mentionné de nouveau avec de plus en plus de régularité sous la dynastie des Ming. À cause de la forte croissance démographique chinoise (de 100 millions à 450 millions entre le XIIIème et XVIIIème siècle), les Chinois des Ming commencèrent à déposséder les Hmong de leurs plateaux et leurs rizières, ce qui provoqua à la fois l’exode et la lutte de ces derniers dans la préservation de leurs terres. Certains Hmong prirent les armes. D’autres préférèrent de se réfugier dans la péninsule indochinoise, en particulier au Vietnam par les trois vagues successives dont la plus importante fut marquée par leur soulèvement lié à la révolte mystique des Taiping connue sous le nom de Tai Ping Tian Guo (Thái Bình Thiên Quốc) contre les Qing (de 1840 à 1868). Les Hmong devinrent ainsi une minorité ethnique du Vietnam depuis trois siècles.
(1): C’est l’ancien nom donné aux Chinois.
(2): Premier colloque de l’histoire de Chu (Jingzhu, Hubei, décembre 1981).