Lotus (Hoa Sen)

lotus

 
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Version vietnamienne

Aucune plante aquatique ne suscite autant l’admiration des Vietnamiens que le lotus. Outre son emblème bouddhique, le lotus est synonyme de la pureté, de la beauté et de la sérénité. Le lotus se distingue des autres plantes aquatiques non seulement par la grâce de sa fleur  à la fois simple et distinguée mais aussi par la richesse des traditions qui l’accompagnent en Asie, en particulier au Vietnam. Dans ce dernier, il fait partie des quatre nobles plantes ( Tứ Quí ) : mai ( prunier ) , liên ( lotus ), cúc ( chrysanthème ), trúc ( bambou ) employées dans la représentation des quatre saisons ( Tứ Thì ). 

Dans l’art vietnamien, le paysage est souvent construit selon un schéma immuable et antique (Cổ Ðiển). Celui-ci détermine les éléments, en particulier les personnages à mettre dans la scène. On trouve souvent une symbiose artistique, une association indissoluble d’une plante et d’un animal dans les petits tableautins vietnamiens. C’est pourquoi le lotus est associé toujours à un canard (Liên Áp). Il est rare de le retrouver associé à un autre animal à moins que l’artiste ne respecte pas les conventions classiques.

Le lotus est connu en vietnamien avec son fleur  sous le nom « Hoa Sen ou Liên Hoa« . Il fait partie de la famille Nymphéacées et a le nom  scientifique   Nelumbo Nucifera ou Nelumbium Speciosum. On le trouve partout au Viêt-Nam (mares, étangs, jardins publics, rivières etc.). Il est présent aussi dans les pagodes et dans les temples dans le but de calmer les ardeurs des moines et de permettre au visiteur de se sentir emporté furtivement dans le néant grâce à l’arôme léger dégagé par ses fleurs. Il se développe facilement et s’adapte à tous les milieux. Il contribue à l’épanouissement de la vie aquatique en épurant toutes les eaux sales et boueuses qu’il colonise, ce qui fait de lui le symbole de l’homme de qualité confucéen (junzi). Ce dernier, quel que soit le milieu où il vit, continue à rester fidèle à lui-même, à conserver la pureté au milieu de la corruption. Il ne se laisse jamais contaminer par les vices de la société tout comme le lotus arrive à annihiler toute la puanteur de son milieu grâce à ses fleurs odorantes.

C’est pour cela dans la poésie vietnamienne qu’il y a un poème dédié à l’homme de qualité confucéen à travers l’image du lotus:

Ðố ai mà ví như sen?
Chung quanh cành trắng, giữa chen nhị vàng
Nhị vàng cành trắng lá xanh,
Gần bùn mà chẳng hôi tanh mùi bùn

Qui peut se comparer au lotus?
Il a des pétales blancs tout autour et des étamines jaunes au milieu
Étamines d’or, tige blanche, feuille vertes
Près de la boue fétide, il n’en sent pas l’odeur.

Pour prôner la qualité de cet homme ou du lotus, on dit souvent en vietnamien: Cư trần bất nhiễm trần (ou en français Vivre dans la société sans être contaminé par ses vices.)

Le lotus a d’autres qualités qui lui permettent de faire partie des plantes nobles chinoises et vietnamiennes. C’est lui qui a inspiré une secte bouddhiste zen chinoise connue sous le nom « Pháp Hoa Tông » à l’époque des Tang en donnant naissance à la doctrine  » Diệu Pháp Liên Hoa Tông ». Celle-ci était  basée  sur le culte de la vie et  s’appuyait   essentiellement  sur les qualités du lotus. On trouva à cette époque dans cette secte des bonzes poètes Phong Cang et Thập Ðắc aussi célèbres que Lý Thái Bạch (Li Tai Bai)(1), Bạch Cư Dị (2)(Bai Juji ). Cette secte dont la pagode se trouvait à Hàn Sơn aux alentours de la ville Cô Tô (Hanzhou) cultivait uniquement le lotus dans ses étangs. Elle pensait qu’on pourrait trouver la paix dans l’âme et se libérer de la réincarnation et des feux de la concupiscence en s’appuyant sur cette doctrine qui empruntait au lotus le caractère :

  • – insouciant (Vô ưu). Son arôme permet à celui qui a l’occasion d’en renifler, de retrouver la tranquillité et la sérénité. Selon les Anciens, c’est une plante anti-aphrodisiaque comme la laitue.
  • -adaptable (Tùy thuận). Il peut se développer partout même sur une terre aride.
  • -odoriférant (Cư trần bất nhiễm trần). Il ne se laisse pas annihiler par la puanteur du milieu où il se développe mais il continue à dégager son arôme en fonction de l’intensité de la lumière.
  • -spécifique au niveau de la reproduction.(Vô cấu). Il possède un mécanisme qui lui est propre pour la multiplication végétative. Il n’y a pas de formation de gamètes. Sa fleur est exceptionnelle par sa taille, par la consistance dure et cireuse de ses pétales et par son parfum dont l’intensité varie au cours de la journée. Une fleur de lotus ne vit que quatre jours. Les Japonais décrivent cette éclosion de la manière suivante: le premier jour, la fleur a la forme d’une bouteille de saké, le deuxième jour celle d’une coupe de saké, le troisième jour celle d’un bol de soupe et le quatrième jour, celle d’une soucoupe. Petit à petit, son fruit se forme et ressemble à un cône renversé ou plutôt à une pomme d’arrosoir. Sa face supérieure plane est munie d’une vingtaine d’alvéoles renfermant des graines. Le fruit  se détache de son pédoncule à maturité et se désagrège au contact de l’eau avec sa face supérieure au fil des jours. Cela permet de libérer et véhiculer les graines loin du lieu de floraison. Ses graines plus lourdes que l’eau, coulent,  s’envasent et prennent racine. Cela permet de faire sortir les jeunes bourgeons  ayant déjà des graines au moment de leur formation. C’est pourquoi les Vietnamiens disent, à propos du lotus, la phrase suivante: Nhân quả đồng hành pour signifier que la constitution est faite en même temps que le fruit. Bouddha (3) avait l’habitude de se servir du lotus pour désigner la personne ayant réussi de se libérer complètement de la concupiscence car cette dernière est la source de toutes les souffrances humaines (duhkha) et des réincarnations successives.

Pour rejoindre ce qu’avait dit Bouddha et pour vanter la qualité du lotus dans l’enseignement bouddhique, le bonze Minh Lương de la secte bouddhiste Lâm Tế a composé un poème dédié à cette plante:

Ngọc quí ẩn trong đá
Hoa Sen mọc từ bùn
Nên chỗ biết sanh tử
Ngộ vốn thiệt bồ đề

Le jade précieux se cache dans les roches
Le lotus pousse de la boue fétide
Le cycle de la naissance et de la mort est visible partout
L’éveil est depuis toujours au figuier sacré (boddhi).

Le lotus est visible souvent dans l’art vietnamien, en particulier dans l’architecture bouddhique. Le motif identifiant le lotus dans la décoration possède toujours les huit pétales indiquant les huit points cardinaux et reproduit le mandala, représentation géométrique et symbolique de l’Univers bouddhique.

Dans la pharmacopée vietnamienne, les graines du lotus sont utilisées dans le traitement de la diarrhée, la dysenterie, les rêves érotiques. Ces graines sont considérées comme somnifères lorsqu’elles sont mangées crues et en grande quantité. Le consommateur peut prendre du sommeil plus rapidement s’il absorbe le germe vert se trouvant dans la partie centrale de la graine. Autrefois, les jeunes garçons vietnamiens avaient l’habitude d’offrir les fleurs des lotus pour déclarer leurs sentiments à leur bien-aimée. On trouve aussi ses graines confits et du thé aromatisé au lotus dans toutes les fêtes traditionnelles du Vietnam, en particulier celle du Tết sans oublier de noter pour les gourmets dans l’art culinaire vietnamien qu’il y a un plat délicieux, la salade de lotus.

La terre des légendes qu’est notre Vietnam a été plongée  sans cesse dans la guerre, l’injustice et la corruption. Tout Vietnamien épris de paix, de justice et de liberté ne cesse pas de nourrir l’espoir de voir son pays retrouver un jour la sérénité, la splendeur et la dignité à l’image de pureté de cette plante aquatique.

Sa grâce a été évoquée par le grand roi poète Lê Thánh Tôn dans son poème Hoa Sen à l’époque où le Vietnam était à l’apogée de sa gloire et de son rayonnement:

Nỏn nà sắc nước nhờ duyên nước
Ngào ngạt hương thơm nức dặm Trời ..

La fleur du lotus est d’une belle blancheur et perspicace grâce à l’apport de l’eau
Son arôme pénétrant se répand incessamment jusqu’au ciel etc.


  • (1) Li Bai, l’un des célèbres poètes chinois de l’époque de l’empereur des Tang Xuanzong. (701-762).
  • (2) Le grand poète chinois de l’époque des Tang (772-846)
  • (3) Siddhârta Gautama ( Cồ Ðàm Tất Ðạt Ða ).

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