Cinquième partie
Malgré son arrivée prématurée au Vietnam au début de l’ère chrétienne, le bouddhisme trouva seulement son plein essor et son épanouissement après l’indépendance de ce pays. Le bouddhisme vietnamien dont le courant est mahayaniste tient compte davantage du salut collectif que du salut individuel tandis que le bouddhisme theravàda considérait le salut comme le résultat des efforts accomplis par l’individu pour atteindre l’éveil et pour devenir un boddhisattva. Au commencement de son implantation, le bouddhisme ne rencontra aucune réticence de la part des Vietnamiens car il accepta facilement leur paganisme traditionnel. Les légendes Thích Quang Phật et Man Nương Phật Mẫu témoignèrent de la facilité d’agréger les croyances populaires au bouddhisme. De plus, cette religion importée de bonne heure fut sous l’influence indienne qui selon le chercheur Hà Văn Tấn, dura jusqu’au Vème siècle. Le gouverneur chinois Sĩ Nhiếp (177-266) était accompagné souvent en ville par des religieux venant de l’Inde (người Hồi) ou de l’Asie Centrale (Trung Á) à chaque sortie. À la fin du IIè siècle, fut établi à la citadelle Luy Lâu (Bắc Ninh), un premier centre bouddhique avec une vingtaine de pagodes. Beaucoup de religieux indiens et étrangers tels que Ksudra (Khâu Đà Là), Mahajivaca, Kang-Sen-Houci (Khương Tăng Hội), Dan Tian ne tardèrent pas y séjourner et y prêcher l’enseignement du Bouddha. Le nombre de moines étrangers fut si important que Giao Châu devint en quelques années plus tard le centre de traduction des sutras parmi lesquels figurait le fameux sutra Saddharmasamadhi (Pháp Hoa Tam Muội) traduit par le moine Chi Cương Lương Tiếp (Kalasivi) dans le courant du IIIè siècle. Il est aussi important de noter que dans une courte période de six ans (542-547), le roi Lý Nam Đế (Lý Bí) de la dynastie des Lý antérieurs réussit à libérer le Vietnam de la domination chinoise et ordonna la construction de la pagode Khai Quốc (Fondation de la Nation) qui devient aujourd’hui la pagode célèbre Trấn Quốc à Hànội. Le nouveau nom Trấn Quốc data du règne du roi Lê Hy Tông (1680-1705). Selon le moine Thích Nhất Hạnh, on a été porté à croire par erreur dans le passé que le moine indien Vinitaruci introdusit le bouddhisme dhyana vietnamien (Thiền) à la fin du VIè siècle. Lors de son passage à Luy Lâu en l’an 580, il résida dans le monastère Pháp Vân appartenant à l’école dhyana. C’est aussi à cette époque que le moine dhyana Quán Duyên était en train d’y enseigner le dhyana. D’autres moines vietnamiens furent allés en Chine pour enseigner le dhyana avant l’arrivée du fameux moine Bodhidharma reconnu comme le patriarche de l’école dhyana chinoise. Désormais, on sait que c’est au moine Kang-Sen-Houci (Khương Tăng Hội) le mérite d’introduire le bouddhisme dhyana au Vietnam.
Né à Giao Châu et issu d’une famille d’origine sogdiane, le moine Khương Tăng Hội n’est pas seulement le précurseur du bouddhisme dhyana vietnamien mais aussi l’un des premiers maîtres ayant enseigné le dhyana en Chine. Plusieurs sectes dhyana commencèrent à se développer et à prospérer à Giao Châu (Vietnam). Parmi celles-ci, il y a trois sectes importantes: Vinitaruci (Tì Ni Đa Lưu Chi), Vô Ngôn Thông et Thảo Đường. C’est avec Vinitaruci qu’on traite le sujet de la nature de l’éveil et qu’on trouve les méthodes de méditation visant à détruire les attachements mentaux. Il y a l’influence notable du bouddhisme tantrique (Mật Tông) dans cette école. C’est Vinitaruci qui a initié ses disciples à la notion du sceau de l’esprit (Tâm Ấn) d’origine tantrique. Cette école convient parfaitement à la mentalité de la masse populaire vietnamienne dans la mesure où la vie religieuse n’est pas séparée de la vie du peuple. Cette secte dura du VIè siècle jusqu’au XIIIè siècle. Les illustres moines ( La Qúi An, Vạn Hạnh, Huệ Sinh, Sùng Phạm, Đạo Hạnh, Minh Khộng) étaient issus de cette école.
La secte que le moine chinois Vô Ngôn Thông fonda au Vietnam en l’an 820 prêcha la doctrine de l’Eveil soudain(satori )( ou Giác Ngộ nhanh chóng en vietnamien ). Les disciples célèbres Khuông Việt, Thiền Lão, Viên Chiếu, Lý Thái Tông, Không Lộ, Thường Chiếu faisaient partie de cette école. Celle-ci ne put durer que 4 siècles (du IXè siècle jusqu’au XIIIè siècle).
Quant à l’école Thảo Đường, elle fut fondée en l’an 1069 par un maître illustre chinois de nom Thảo Đường, un prisonnier de guerre que le roi Lý Thánh Tôn avait réussi à capturer à Đông Dương lors d’une expédition militaire au Champa. Etant disciple d’un grand moine poète chinois de nom Siue-Teou, Thảo Đường prêcha un enseignement porté plutôt sur les aspects littéraires et intellectuels. Parmi les disciples célèbres de cette école, il y a le roi Lý Thánh Tôn, Bát Nhã, Ngộ Xá, Không Lộ, le roi Lý Cao Tôn etc.. Cette école fut de courte durée (de 1069 à 1205) mais cela n’empêcha pas de favoriser la synthèse bouddhéo-confucianiste et l’influence notable sur les deux autres écoles Vinitaruci et Vô Ngôn Thông dans les années à venir. Lire la suite (Tiếp theo)
Références bibliographiques
Histoire du bouddhisme vietnamien. Thích Nhất Hạnh. Ecole pratique des hautes études. Sciences historiques et philologiques. Annuaire 1974-1975. 1975 pp. 941-944
Le bouddhisme dans la pensée politique du Vietnam traditionnel. Nguyễn Thế Anh. BEFEO. Tome 89, 2002, pp 127-143
Chùa Việtnam. Hà Văn Tấn. Nhà Xuất Bãn Khoa Học Xã Hội. Hànội 1993
Mille ans de littérature vietnamienne. Une anthologie Nguyễn Khắc Viện. Hữu Ngọc. Edition Picquier poche. Janvier 2000