Empereur Tự Đức


tuduc

Hồng Nhậm

(1847-1883)

Un grand hommage à l’empereur poète Tự Ðức à travers mes quatre vers en Six-huit:

Ngậm ngùi thương xót phận mình
Làm vua chẳng có quang vinh chút gì
Thực dân chiếm đất ở lì
Trẩm đây buồn tủi, sử thì kết oan

 

Je m’apitoie douloureusement sur mon sort
« Etre roi » ne mérite pas assez la gloire
Les colonialistes ont confisqué la terre pour y rester
Moi, je suis plongé dans la tristesse et l’humiliation tandis que l’histoire m’a condamné.

Version vietnamienne

Etant le quatrième empereur de la dynastie des Nguyễn, Tự Ðức fut connu sous le nom Hồng Nhậm quand il était encore un jeune prince. C’était le fils cadet de l’empereur Thiệu Trị. Ce dernier décida de changer d’avis à la dernière minute dans son testament royal en le désignant comme le successeur méritant à la place du prince héritier Hồng Bào, son frère, sous prétexte de débauche. Son intronisation fut très perturbée par l’évanouissement de son frère Hồng Bào devant la Cour et suivie par l’emprisonnement de ce dernier taxé de connivence plus tard avec les prêtres catholiques et les Européens en vue d’un coup d’état. Hồng Bào fut peu après éliminé  dans la prison, ce qui souleva certaines critiques faites plus tard à l’empereur par ses subordonnés par le biais de leurs poèmes. On lui reprocha de manquer de la magnanimité que le roi Cao Pi (Tào Phi) avait réservée à son frère Cao Tseu (Tào Thực), un grand poète évincé aussi du pouvoir à l’époque des Trois Royaumes en Chine. C’était le cas du mandarin Nguyễn Hàm Ninh. Un beau jour, Tự Ðức qui se blessa involontairement la langue avec ses dents au moment du déjeuner, décida de choisir comme sujet de poésie le thème « la blessure par les dents » et demanda à ses subordonnés de composer des poèmes axés sur ce thème. Nguyễn Hàm Ninh profita de cette suggestion pour lui adresser promptement son poème épique de quatre vers suivants :

Ta ra đời trước chú chưa sinh
Chú phận làm em, ta phận anh
Ngọt bùi sao chẩng cùng san sẽ
Mà nỡ đau thương cô’t nhục tình?

Je suis né avant votre naissance
Vous êtes mon petit-frère, je suis votre grand frère
Pourquoi ne partagez-vous pas le bonheur avec moi au lieu de nous entre-déchirer lamentablement ainsi?

Nguyễn Hàm Ninh fut ainsi récompensé pour son talent inouï avec plusieurs taëls d’or mais il reçut en même temps pour chaque vers composé un coup de bâton car chaque vers était significatif et profond. Tự Ðức fut un grand poète de son temps. C’était pourquoi il avait une préférence incontestable à l’égard de tous les grands poètes de son époque. Ceux-ci étaient appréciés à leur juste valeur même à des moments où son autorité et son amour-propre pouvaient être bafoués par des critiques virulentes et acerbes provenant des gens de caractère et indépendants comme Cao Bá Quát. Ce dernier ne cessa pas de le ridiculiser maintes fois devant les mandarins mais il n’hésita pas à le combler d’éloges lorsque Cao Bá Quát réussît à lui rendre esthétiquement son énoncé antithétique tout en s’appuyant sur l’énoncé appelant proposé par Tự Ðức par l’intermédiaire d’un jeu savant de mots. Profitant de la présence de Cao Bá Quát, Tu Duc émit spontanément l’énoncé appelant:

Nhất bào song sinh, nan vi huynh, nan vi đệ
Một bọc sinh đôi, khó làm anh, khó làm em

Il y a un seul embryon pour deux vies humaines. Il est difficle d’être le grand frère mais il l’est aussi d’être le petit frère.

pour rappeler à Cao Bá Quát qu’ils étaient deux frères jumeaux (lui et son frère Cao Bá Ðạt) qu’il était difficile de discerner.

Cao Bá Quát fit sur le champ l’énoncé répondant:

Thiên tài thất ngộ, hữu thị quân, hữu thị thần
Nghìn năm gập một, có vua ấy, có tôi ấy.

Il y a une seule fois pour mille ans. Il existe le bon roi mais il existe aussi le bon serviteur.

pour rappeler à Tự Ðức qu’un bon roi était servi toujours par un bon serviteur. Malgré cela, Tự Ðức ne fut pas satisfait entièrement car il savait aussi qu’il fit allusion d’une manière intelligente et subtile au proverbe vietnamien (vỏ quýt dày, móng tay nhọn)(ou en français à bon chat, à bon rat).

On trouve non seulement dans l’énoncé appelant comme dans l’énoncé appelé le même nombre de mots mais aussi la même position pour chaque mot répété. Une autre fois, Cao Bá Quát ne fut pas très content de voir accrochés à l’entrée du palais Cần Chánh les deux vers antithétiques suivants composés par Tự Ðức:

Tử năng thừa phụ nghiệp
Thần khả báo quân ân.

Le fils capable hérite du métier de son père
Le sujet méritant est reconnaissant toujours envers le roi bienfaiteur.

Celui-ci fut étonné et lui demanda la raison de son mécontentement. Cao Bá Quát lui dit:

Le mot « Tử » (ou fils en français) ne peut être placé devant le mot « phụ » (ou père en français). De même, le mot « Thần » (ou sujet en français) ne peut pas devancer le mot « quân » (ou roi en français). Cela n’est plus conforme à notre ordre hiérarchique.
Tu Duc lui demanda de rectifier cette erreur. Sans hésitation, Cao Bá Quát lit instantanément les deux vers suivants:

Quân ân, thần khả báo
Phụ nghiệp, tử năng thừa

Pour les bienfaits du roi, le sujet méritant en est reconnaissant
Pour le métier du père, le fils capable en hérite.

Malgré sa nature romantique et son tempérament maladif, Tự Ðức était l’empereur qui connut très peu la sérénité et la tranquillité durant son règne. Il devait faire face non seulement au développement du capitalisme occidental mais aussi aux troubles internes dus à l’éviction de son frère aîné Hồng Bào, la guerre des Sauterelles menée par Cao Bá Quát plus tard etc.). La perte des six provinces de Nam Bộ ne cessa pas de le hanter et le plonger douloureusement dans une tristesse sempiternelle car il était le premier empereur de la dynastie des Nguyễn à avoir la lourde responsabilité de laisser s’échapper une partie du territoire vietnamien aux mains des étrangers, en particulier celle dont sa mère était issue. tuduc_stele

L’absence d’un prince héritier due à sa stérilité provoquée par la variole qu’il avait contractée quand il était jeune, le suicide du lettré Phan Thanh Giản, gouverneur des provinces occidentales de Nam Bộ l’ont attristé et l’ont obligé à chercher refuge souvent dans ses jolis pavillons en bois rouge Du Khiêm et Xung Khiêm qui deviennent aujourd’hui des lieux de prédilection pour les touristes étrangers et vietnamiens. C’était ici qu’il composa des poèmes dont le plus célèbre restait le poème d’amour intitulé « Khóc Bằng Phi (Les larmes à ma concubine) » et immortalisé par les deux vers suivants:

Ðập cổ kính ra, tìm lấy bóng
Xếp tàn y lại để dành hơi
Je brise l’ancien miroir pour chercher ton ombre
Je plie tes  habits usés pour garder ta chaleur.

Etant un enfant pieux, Tự Ðức régna sous l’ombre de sa mère, l’impératrice Từ Dũ. Il prit en considération tout ce que la reine-mère lui avait suggéré. Un beau jour, en regardant le chef d’œuvre théâtral dramatique chinois intitulé « Conquête de l’Ouest » (Ðường Chinh Tây), la reine-mère fut choquée par la scène où l’héroïne Phàn Lê Huê avait tué son père. Pour plaire à sa mère, Tự Ðức fut obligé de demander au mandarin chargé des divertissements de modifier intégralement le contenu de la scène pour ne plus voir cette tragédie infâme et contraire à l’esprit confucéen. La réhabilitation du mandarin Phạm Phú Thứ dans la fonction d’académicien chargé de livres de consultation n’était pas étrangère à la réprimande que Tự Ðức avait reçue de la part de la reine-mère. Ce mandarin osa demander à Tự Ðức de se corriger de sa paresse car ce dernier supprima depuis son avènement au trône, les grandes audiences et ne donna aucune suite aux requêtes soumises. Malgré son crime de lèse-majesté, Phạm Phu Thứ ne fut pas congédié mais il réintégra l’assemblée de la Cour et devint un grand mandarin sous son règne. A cause de l’emprise du clan des mandarins confucianistes, Tự Ðức ne put pas entamer les réformes à temps en dépit de la mise en garde et du mémorandum pathétique du lettré patriote Nguyễn Trường Tộ. Il ne sut pas profiter des occasions favorables pour amener le Viêt-Nam sur le chemin de modernité mais il s’enfonça un peu plus dans l’isolement, dans la tristesse et dans la solitude depuis l’annexion des six provinces de Nam Bộ par les autorités coloniales françaises.

Pour tenter de ramener Tự Ðức à la bonne humeur, la reine-mère promit de récompenser celui qui réussît à faire rire l’empereur. Celui-ci aimait aller voir souvent le théâtre pour se détendre. Un beau jour, profitant de sa présence au théâtre royal, le chef de groupe théâtral de nom Vung se présenta subitement devant  Tự Ðức qui était en train de fumer et lui dit:

Pouvez-vous me permettre, Seigneur, de partager avec vous une bouffée de cigarette?
Son geste spontané abasourdit tout le monde car on savait qu’il avait commis un crime de lèse-majesté. Tự Ðức rigola aussi sur le coup. Mais il se ressaisit en lui disant:

Tu as vraiment de l’audace.
et pardonna son offense.

Vung fut récompensé plus tard par la reine-mère.
Il est regrettable d’attribuer à Tự Ðức l’image d’un empereur despotique et responsable du démembrement du Viêt-Nam par les autorités coloniales. Le sort de son pays ainsi que celui de son peuple fut scellé depuis longtemps au moment où son grand-père, l’empereur Minh Mạng et son père Thiệu Trị avaient opté pour une politique de persécution envers les catholiques et les missionnaires étrangers, ce qui permit aux autorités françaises de justifier leur intervention et leur annexion. La politique coloniale française était déjà mise en marche depuis longtemps.

Par le biais de ces anecdotes, on sait que Tự Ðức était un empereur tolérant et pieux, un homme de cœur et un grand poète de son temps. Le destin de son pays l’a forcé à devenir empereur malgré lui, à tuer son frère aîné lorsque celui-ci devenait le collaborateur privilégié des étrangers. Peut-on faire mieux que lui? C’est la question qu’on se demande si on se met à sa place. On ne trouve point la réponse au fil des années mais on sait une chose.

Il ne pouvait pas rester indifférent devant les événements qui s’abattaient cruellement sur lui et sur son peuple. Il ne se relevait pas non plus de la douleur profonde de voir dans l’histoire du Viêtnam la chute de l’Empire dont il était taxé d’être le responsable.

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