
Nouvel an Bính Ngọ
Le mot «Tết» est issu du mot « tiết » qui signifie dans le dictionnaire sino-vietnamien le tronçon de bambou (ou đốt tre) au sens strict ou au sens large la période ou un espace de temps déterminé en fonction du climat dans l’année.
Au Vietnam, il existe de nombreux Tết tels que Tết Trung Thu (ou fête de la mi -automne), Tết Thanh Minh (fête des morts), Tết Đoan Ngọ (ou fête de purge) etc. mais le Tết le plus important est Tết Nguyên Đán ( 節元旦) ou Tết Cả dans la culture vietnamienne.
C’est aussi la période où les paysans laissent reposer leurs champs tout en espérant avoir de meilleures récoltes l’année prochaine grâce au renouveau de la nature nourricière. C’est pourquoi dans l’une des chansons populaires vietnamiennes on trouve les vers suivants:
Một năm là mười hai kỳ
Em ngồi em tính có gi` chẳng ra
Tháng giêng ăn Tết ở nhà
Tháng hai rỗi rãi quay ra nuôi tầm
Une année comporte douze mois
Assis, je peux les compter sans difficultés
Au premier mois je reste à la maison pour fêter le Têt
Au deuxième mois je peux commencer avec mon temps disponible, l’élevage des vers à soie.
C’est aussi la fête de l’amitié mais surtout celle du culte des ancêtres et des génies. D’après les historiens, la célébration de cette fête remonte à l’époque de la domination chinoise des Han (au premier siècle de l’ère chrétienne). La préparation de cette fête est très minutieuse et nécessite de longs jours à l’avance. Sept jours avant le Têt, il y a la cérémonie d’adieu au génie du Foyer (Ông Táo). Celui-ci revient sur terre dans la nuit du Têt au trentième jour du douzième mois lunaire. Dans le village, devant chaque maison est dressée une perche de bambou (ou Cây Nêu) pouvant atteindre plusieurs mètres.
On trouve sur cette perche des offrandes, des papiers votifs et des tablettes en argile cuite vibrant avec sonorité au gré du vent pour éloigner les esprits. C’est une vieille tradition bouddhique permettant d’interdire l’accès aux démons et aux fantômes. C’est aussi dans le village qu’on retrouve l’ambiance de fête avec les préparatifs du Têt.
Selon l’écrivain Phạm Huỳnh, le Tết est la sanctification, la glorification, l’exaltation de la religion familiale et du culte des ancêtres. C’est aussi à cette occasion que toute la famille s’est réunie du plus jeune jusqu’au plus âgé autour de la marmite pour faire cuire le gâteau de riz à la vapeur. Elle se retrouve ce jour-là au grand complet sous l’œil des ancêtres dont les tablettes sont découvertes sur l’autel nettoyé avec soin et richement décoré. La veille du nouvel an (ou đêm giao thừa), le chef de famille allume les bâtonnets d’encens sur l’autel pour inviter les âmes des ancêtres à venir passer le Têt avec les vivants.
C’est une occasion pour le chef de famille de transmettre à ses enfants la tradition du culte des ancêtres et de leur apprendre les rites du culte. Tout le monde, du plus jeune jusqu’au plus âgé se relaie pour se prosterner devant l’autel, en ayant chacun une pensée émue pour les défunts et en implorant leur aide pour la réalisation de vœux profonds. On trouve non seulement durant les jours du Têt, sur l’autel, tous les plats raffinés, des fruits triés sur le volet, des gâteaux, en particulier le gâteau de riz gluant et des tasses de thé ou d’eau mais aussi les branches de pêchers (au nord Vietnam) ou de cerisiers (au sud Vietnam) en fleurs. Celles-ci sont choisies de manière que les fleurs éclosent durant les fêtes du Têt. Des présents apportés par les enfants aux mânes des ancêtres sont aussi visibles sur l’autel pour faciliter leurs besoins dans l’autre vie. Le Têt n’est pas seulement la fête des vivants mais il est aussi la fête des morts. C’est aussi durant les trois premiers jours du Tết que ces derniers participent activement à la vie de leur famille et de leurs descendants. On les invoque aux deux principaux repas deux fois par jour. La fin du troisième jour, les mânes sont censés retourner dans l’autre monde et continuent à étendre sur les descendants les bienfaits de leur protection.
Le Tết est aussi le moment de faire revivre une vieille tradition culturelle. On voit apparaître dans des endroits publics un grand nombre de lettrés des temps modernes (ou des maîtres calligraphes). Ils sont prêts à faire des traits artistiques dans l’écriture comme le vol du dragon et la danse de phénix à l’encre de Chine sur les papiers d’un rouge vermillon étalés sur les trottoirs avec leur tour de main. Cela permet à ceux qui les leur demandent parmi les passants de pouvoir les exposer devant leur maison et de rendre cette dernière encore plus belle. De telles sentences ne manquent pas d’être visibles autour des portes des maisons ou sur les colonnes d’une pagode ou d’un temple:
Thịt mỡ dưa hành câu đối đỏ
Cây nêu tràng pháo bánh chưng xanh
Viande grasse, légumes salés, sentences parallèles rouges
Mâts du Tết, chapelets de pétards, gâteaux de riz du nouvel an.
Ou
Thiên tăng tuế nguyệt nhân tăng thọ
Xuân mãn càn khôn, phúc mãn đường
Du moment que le ciel a encore des mois et des années, vous vivez encore plus longtemps
Du moment que le printemps arrive de nouveau sur terre, votre maisonnée est inondée de nouveau de bonheur.
Ou
Niên niên tăng phú qúi
Nhật nhật thọ vinh hoa.
Que les richesses s’accumulent au fil des années
Que la gloire et le bonheur vous comblent au fil des jours.
Le Têt est aussi la fête des enfants. Ceux-ci sont parés de leurs plus beaux habits et s’amusent ensemble aux pétards dans les rues. Ils reçoivent des adultes une enveloppe rouge contenant un billet ou une pièce de monnaie qui leur porte chance durant toute l’année. Quand aux adultes, ils se rendent en procession dans les pagodes et essaient de connaître leur avenir en tirant chacun une baguette divinatoire. C’est aussi l’occasion de respecter certaines règles élémentaires que tout Vietnamien doit savoir: bannir les gros mots, mettre en sourdine toutes les querelles, ne pas toucher au balai, éviter de se présenter chez quelqu’un le premier jour de l’année etc… durant toute l’année. C’est aussi l’occasion de voir la danse de la licorne (Múa Lân) ou la danse du Dragon. Cet animal dont la tête est décorée magnifiquement et dont le corps est porté par plusieurs danseurs ondule au rythme des sons des tambourins. Il est toujours accompagné par un autre danseur hilare et ventru agitant son éventail et portant une robe de couleur safran (Ông Ðịa). C’est la danse-combat entre l’homme et l’animal, entre le Bien et le Mal qui se termine toujours par le triomphe de l’homme sur l’animal.
Les festivités du Têt se prolongent durant une semaine voire un mois dans certains villages. Mais à cause des difficultés de la vie, il est coutume de cesser de travailler seulement aujourd’hui durant les trois premiers jours de l’année.
Dans l’horoscope vietnamien, les signes astrologiques sont au nombre de douze et ils sont symbolisés par les douze animaux suivants: Rat, Buffle, Tigre, Chat, Dragon, Serpent, Cheval, Chèvre, Singe, Coq, Chien et Cochon qui se succèdent dans un ordre très précis. Contrairement à l’astrologie occidentale, le signe astrologique n’est pas déterminé en fonction du mois de naissance mais plutôt selon l’année de naissance. Chaque individu possède un signe astrologique qui est symbolisé par l’association de l’un de ces animaux trouvés dans les douze branches terrestres et l’un des cinq éléments célestes (Wu Xing)(ou Ngũ Hành en vietnamien): Thủy, Hỏa, Mộc, Kim, Thổ
Eau, Feu, Bois, Métal et Terre. Par exemple cette année est l’année du Cheval de feu (Bính Ngọ)
Le mot Bính est choisi parmi les noms des 10 troncs célestes (ou thập thiên can en vietnamien) groupés 2 par 2 à partir du Yin et Yang et de la théorie des 5 éléments (Wuxing): Giáp, Ất, Bính, Đinh, Mậu, Kĩ, Canh, Tân, Nhâm, Qúi): [Giáp, Ất] =Bois (Mộc), [Bính, Đinh]=Feu (Hỏa), [Mậu,Kĩ]=Terre (Thổ), [Canh, Tân]=Métal (Kim),[Nhâm,Quý]=Eau (Thủy)). Ce mot Bính appartient ainsi à l’élément Feu.
C’est pourquoi cette année est l’année Tết Bính Ngọ (Année du Cheval de Feu ). On ne la retrouve que tous les soixante ans (càd 1906, 1966, 2026, 2086 etc.). Dans les Annales de notre histoire, il y a eu deux Tết dont les Vietnamiens se souviennent longtemps: c’est le Têt qui permit à l’empereur Quang Trung de reconquérir notre capitale Hanoï en 1788 contre les Qing et le Tết Mậu Thân en 1968 au Sud-Vietnam.
Le Tết est pour chacun des Vietnamiens une période infiniment heureuse qui a l’avantage de se renouveler tous les ans et qui lui permet de vivre durant quelques jours dans une sorte d’allégresse et d’avoir une satisfaction malgré les aléas de la vie. Même pauvre, on a envie d’avoir une vie radieuse pour un nouvel Tết comme le célèbre poète Trần Tế Xương dans son poème intitulé: Le nouvel an (*)
Ami, ne croyez pas qu’en ce Tết je sois pauvre!
Je n’ai pas encore retiré l’argent de mon coffre
Mon vin de chrysanthème, on tarde à l’apporter;
Et le thé au lotus, le prix à débattre,
Pour les gâteaux sucrés, j’ai craint qu’ils ne coulent
À la chaleur, de même que les pâtés de porc.
Allons, tant pis, attendons l’an prochain
Amis, ne croyez pas qu’en ce Têt je sois pauvre!
Traditions entretenues à l’occasion du nouvel an vietnamien:
- Parlons du cheval en l’année du Cheval de bois
- Gâteau de riz gluant (Bánh chưng bánh giầy)
- Le mythe de Táo Quân (Truyền thuyết ông Táo)
- Le Tết du bûcheron (Sử tích cây nêu)
- Danse de la licorne ou du lion (Múa Lân sư)
- Le calligraphe (Nghề Ông Đồ)
- Le culte des ancêtres (Thờ cúng tổ tiên)
- Les sentences parallèles (Doanh thiếp)
(*) Trích ra trong quyển sách có tựa đề : Các con cò trên cánh đồng lúa. Lê Thành Khôi. Nhà Xuất Bản Gallimard.
Extrait du livre intitulé « Aigrettes sur la rizière ». Auteur Lê Thành Khôi. Connaissances de l’Orient. Gallimard.
