Nữ thi sĩ Hồ Xuân Hương (Version française)

English version

Version vietnamienne

La grande poétesse du Vietnam

En parlant de Hồ Xuân Hương, cela suscite en chacun de nous non seulement une admiration ardente mais aussi une réflexion sur l’époque où le confucianisme continua à drainer tout l’élan vital d’une société hermétique et les lettrés, source de prestige social restèrent l’apanage des hommes dans les concours triennaux pour le recrutement des mandarins.

Avant de figurer en bonne place dans l’histoire de la littérature vietnamienne publiée en 1980 par l’institut de la littérature du Vietnam, Hồ Xuân Hương fut dans le passé une source de polémique intarissable entre ceux qui virent en elle une femme merveilleuse osant aborder sans honte les droits de son sexe et l’amour charnel dans la nuit féodale et ceux qui considérèrent que sa poésie mettant trop l’accent sur la glorification de l’instinct sexuel fut décevante pour la littérature vietnamienne et une atteinte et une souillure à la femme modèle vietnamienne.

Il faut reconnaître que Hồ Xuân Hương est une femme en avance sur son temps , une femme sachant se servir de son intelligence pour dénoncer les hypocrisies et les absurdités à une époque  où la société fut réglée par l’immuable éthique confucéenne, une femme osant s’insurger contre les interdits et les tabous pour la libération de la femme aussi bien physique que morale.  Elle aime à affronter et à battre messieurs les lettrés avec leurs propres armes.  Elle réussit à échapper à la censure formelle par une habileté peu commune, procédant par allusions et métaphores dans ses poèmes. On peut dire qu’on y trouve à la fois la finesse et la grossièreté. Connu pour ses poèmes d’amour, le poète Xuân Diệu reconnait qu’elle est la « reine des poèmes écrits en « nôm (ou en écriture  démotique ».

Thiếu nữ ngủ ngày

Mùa hè hây hẩy gió nồm đông
Thiếu nữ nằm chơi quá giấc nồng
Lược trúc lỏng cài trên mái tóc
Yếm đào trễ xuống dưới nương long
Ðôi gò Bông đảo sương còn ngậm
Môt lạch đào nguyên suối chưa thông
Quân tử dùng dằng đi chẳng dứt
Ði thì cũng dở ở không xong.

La Jeune fille assoupie en plein jour

Frémissement de la brise d’été
A peine allongée, la jeune fille s’assoupit
Le peigne, de ses cheveux, a glissé
Le cache seins rouge s’est défait
Pas de rosées sur les deux collines du Pays des Fées
La source aux fleurs de Pêcher ne jaillit pas encore
L’homme de bien, hésitant, ne peut en détacher sa vue
Partir lui est pénible, mais inconvenant de rester

La Grotte de Cắc Cớ

Ciel et Terre ont fait naître ce rocher
Une fente le divise en deux, noire et profonde
La mousse couvre ses bords et l’ouverture se fait béante
Des pins que secoue le vent battent la mesure
L’eau bien fraîche perle goutte à goutte en clapotant
Et le chemin pour y pénétrer se perd dans le noir
Loué soit le sculpteur qui l’a taillée avec talent
Maintes gens lorgnent après cette fente grande ouverte

Hang Cắc Cớ

Trời đất sinh ra đá một chòm
Nứt ra đôi mảnh hỏm hòm hom
Kẽ hầm rêu mốc trơ toen hoẻn
Luồng gió thông reo vỗ phập phồng
Giọt nước hữu tình rơi lõm bõm
Con đường vô ngạn tối om om
Khen ai đẽo đá tài xuyên tạc
Khéo hớ hênh ra lắm kè dòm


Extrait du livre intitulé  » Aigrettes sur la rivière  » de Mr Lê Thành Khôi.

 sieste

Vịnh cái quạt

Mười bảy hay là mười tám đây
họ ta yêu dâ’u chẩng rời tay
Mỏng dày chừng ấy, chành ba góc
Rộng hẹp dường nào, cắm một cây.
Càng nóng bao nhiêu thời càng mát
Yêu đêm không phỉ lại yêu ngày
Hồng hồng má phấn duyên vì cậy
Chúa dấu vua yêu một cái nầy.

La grande poétesse du Vietnam

 

 

L’éventail

Est -ce dix sept ou dix huit? (1)
Laisse moi te chérir et ne pas te quitter
Fin ou épais se déploie ton triangle
Au large ou à l’étroit se fiche la rivure
Plus il fait chaud, plus douce est ta fraîcheur
La nuit ne suffit plus,je t’aime encore le jour
Rose comme la joue grâce au suc du kaki
Rois et seigneurs n’adorent rien que toi


(1) On peut comprendre dix sept ou dix huit branches d’éventail ou dix sept ou dix huit ans


 

Pour parler des choses les plus crues de la société, de l’érotisme en particulier, elle recourt à la description anodine des paysages et d’objets familiers. Le fruit du jacquier, le gâteau Trôi, l’éventail, la grotte de Cắc Cớ, le tissage de nuit , la jeune fille assoupie en plein jour sont les titres de ses poèmes les plus connus et témoignent de son talent et de son don de savoir créer des rythmes comparables à ceux des chansons populaires ( ca dao ) et utiliser un vocabulaire d’une simplicité étonnante dans la poésie. Un manuscrit en « nôm » de la Bibliothèque des Sciences enregistré en 1912 ne compte que 23 poèmes mais on constate que le nombre des poèmes attribués à Hồ Xuân Hương augmente avec le temps. C’est pourquoi dans le passé, on a mis en doute jusqu’à son existence même. Personne ne connait vraiment sa vie privée à part ses anecdotes. 

Hồ Xuân Hương serait originaire du village de Quỳnh Ðôi, district de Quỳnh Lưu, province de Nghệ An. Son père Hồ Phi Ðiền est issu d’une famille de lettrés, la famille des Hồ (Hồ Phi ). Selon le chercheur français Maurice Durand, elle n’est pas très favorisée par la nature sur le plan physique en s’appuyant sur les deux vers du fruit du jacquier de Hồ Xuân Hương:

Mon corps est comme le fruit du jacquier sur l’arbre
Son écorce est rugueuse, ses gousses sont épaisses.

Thân em như quả mít trên cây,
Da nó sù sì, múi nó dày

Cette déduction parait peu convaincante du fait que même si elle n’était pas belle, elle devrait être charmante car elle était mariée deux fois puis veuve et ayant beaucoup de célèbres courtisans tels que Chiêu Hồ ( Phạm Ðình Hồ ). A cause de sa verve cinglante et licencieuse et satirique, certains voient en elle une obsédée sexuelle, un génie de la luxure. C’est le cas de l’écrivain Nguyễn văn Hạnh et du chercheur français Maurice Durand dans l’ouvrage intitulé « Oeuvre de la poétesse vietnamienne Hồ Xuân Hương », Ecole française d’Extrême Orient, Adrien Maisonneuve, Paris 1968. Par contre, d’autres n’hésitent pas à la défendre à cor et à cri en trouvant en elle non seulement une féministe de la première heure mais aussi une femme ayant le cran de vivre et défier une société de momies et de fantômes. C’est le cas de l’écrivain Nguyễn Ðức Bình dans la revue mensuelle Văn Nghệ ( Arts et Littérature ) no 62.

Le tissage de nuit

La lampe allumée, ô quelle blancheur !
Le bec de cigogne, la nuit durant, ne cesse de gigoter
Les pieds appuient, se relâchent, bien allègrement
La navette enfile la trame, s’en donne à cœur joie
Large, étroit, petit, gros, tous les formats trouvent à s’ajuster
Courtes ou longues, les pièces de toutes dimensions se valent
Celle qui veut bien faire laisse tremper longuement
Elle attend trois automnes avant d’en dévoiler la couleur. 

 

Dệt cửi

Thắp ngọn đèn lên thấy trắng phau
Con cò mấp máy suốt đêm thâu
Hai chân đạp xuô’ng năng năng nhắc
Mô.t suốt đâm ngang thích thiích nhau
Rộng hẹp nhỏ to vừa vặn cả
Ngắn dài khuôn khổ cũng như nhau
Cô nào muốn tốt ngâm cho kỹ
Chờ đến ba thu mới dãi màu

 

 

Si Ho Xuân Hương est une rose avec épines, une voix solitaire presque unique dans la littérature vietnamienne, elle a néanmoins le courage et l’audace de jeter une pierre et de semer le trouble dans une mare stagnante et putrescible que devint la société vietnamienne à la fin du XVIIIème siècle. Contrairement  à d’autres grands lettrés préférant rechercher la solitude pour s’adonner à la contemplation de la nature et à la méditation dans l’ivresse de l’alcool, Ho Xuân Hương préfère de se battre seule à son époque en se servant de sa verve et de ses poèmes pour exprimer la colère d’une femme révoltée et énergique contre l’injustice de la société vietnamienne. Elle mérite bien l’hommage que l’écrivain américain Henry Miller rend deux siècles plus tard à une femme écrivain Erica Jong du XXème siècle dans sa préface pour l’ouvrage intitulé « Complexe d’Icare » de Erica Jong, Editeur  Robert Laffont, 1976:butviet

Elle écrit comme un homme. Pourtant c’est une femme à 100% femme. Sur bien des points, elle est plus directe et plus franche que beaucoup d’auteurs masculins.